Très peu de documents nous restent du treizième siècle. Pourtant, on écrivait sans doute déjà pas mal de textes administratifs à Cossonay, au Château, au Prieuré, à l’Hôpital des pauvres, et dans les relations avec les pouvoirs externes.
L’un des plus vieux écrits qui nous est parvenu date de 1298, c’est un parchemin que l’on garde aujourd’hui aux archives cantonales. Comme la plupart des documents de cette époque, il nous parle en latin.
Jeannerot, fils d’Uldry le Vigoureux, et sa femme Uldriette donnent à l’hôpital des pauvres à Cossonay, voué à Saint Antoine, «tous leurs biens meubles et immeubles, présents et futurs» et en éternité. Par ce genre de donations, les institutions charitables se finançaient, ce qui en retour jouait en faveur de la renommée des donateurs et probablement aussi de leur salut dans l’au-delà.
Jeannerot et Uldriette disent explicitement suivre le bon exemple de leur seigneur Jean II de Cossonay, qui avait promis de contribuer à tous les besoins matériels et spirituels de l’hôpital. Il est intéressant de savoir qu’Uldry, le nom du père du donateur, est aussi le nom du premier seigneur de Cossonay mentionné en écrit: Uldricus de Cochoniaco, en 1096. Le sobriquet d’Uldry père de Jeannerot est Viguirous «le Vigoureux». Par la suite cette appellation est devenue un nom de famille connu à Cossonay, que plusieurs notables de Cossonay portent aux 14e et 15e siècles.
Notre couple donne à l’hôpital plusieurs terres, ou plutôt leur rendement: un champ en Pepinet où l’on cultivait du blé et du seigle, un autre champ à la Vursy (aujourd’hui la Vauze, «osier»), un jardin en Bouloz («bouleau», aujourd’hui Rue des Étangs), deux prés aux Rippes (à l’est d’Allens), et encore deux autres prés.
Pour la plupart, ces lieux-dits sont restés en usage jusqu’à nos jours. Ils nous fournissent la preuve que le réseau des lieux-dits de la commune existait déjà dans ses grandes lignes au treizième siècle.
L’aspect le plus sympa de la donation par Jeannerot et Uldriette nous paraît la liste de leurs possessions meubles, à savoir duas vaccas, quattuor capras, duas culcitras, duo pulvinaria, tria coopertoria, undecem linteamina, cum omnibus utensilibus nostris, soit «deux vaches, quatre chèvres, deux matelas, deux coussins, trois couvertures, onze toiles de lin, et tout notre équipement». Un inventaire qui peut sembler modeste à première vue, mais qui représentait probablement une grande richesse pour les donateurs, dont l’histoire nous tait tout autre détail.
Michiel de Vaan
Photo : Le parchemin de 1298. Lecture de la première ligne (et le premier mot de la deuxième): Nos Janerodus filius Uldrici dicti viguirous burgensis de Cossonay, et Uldrieta eius / uxor.
«Nous, Jeannerot fils d’Uldry dit le Vigoureux, bourgeois de Cossonay, et Uldriette son épouse.»