Privat-docent à l’Université de Lausanne, section des sciences du langage et de l’information, Michiel de Vaan parcourt les archives des siècles passés à Cossonay.

Le 14 août 1742, une maison au milieu de la Grande Rue de Cossonay, en face du futur Hôtel d’Angleterre, prit feu vers neuf heures du matin. La bise soufflant fort et la plupart des citadins s’occupant de leurs champs et prés hors de la ville, le feu gagna vite d’autres maisons et granges avant qu’on puisse éteindre les flammes. On chiffrait les dégâts pour les particuliers sinistrés à 13’708 florins pour sept maisons et deux granges, et même «un gros noyer tout vert» périt dans les flammes. Grâce au plan de la ville dressé en 1749 nous avons la possibilité d’identifier les bâtiments avec les plus grands dégâts.

Listes des biens perdus

Les archives communales gardent un souvenir tangible de l’incendie, sous forme de listes des biens et avoirs que les habitants touchés avaient perdus. Celles-là furent dressées pour taxer l’ampleur des pertes. Par la suite, une collecte fut organisée dans la région pour pouvoir indemniser les sinistrés. Ces listes donnent une idée des meubles et outils que les habitants possédaient. Belle surprise pour nous historiens et linguistes: plusieurs de ces papiers furent écrits par les concernés eux-mêmes plutôt que par le secrétaire de la ville. Ainsi, ils trahissent les difficultés que l’orthographe du français posait aux habitants et nous laissent apparaître quelques mots en patois derrière le texte français. Un petit extrait à titre d’illustration:

ORIGINAL :
Liste pour Isaac Papaz
Ma Grange toutes regitées et planchée il y a six année mon Ecuret tout bien replanchi Je la ves fait replanchy y il a huit ant la maison de mameres et la neuves cent jerbes de bled moin une que jay ves batu trois jerbes de pallies quatres char de foin un de mis char de mecles y vernés deux harches une toutes neuves faires ferment alailes elles tenes sept sac lautres tenés six sac aussy toutes bien fairés un peti ly de sapin un beufet de sapin qui etes encor ches mameres un ratelies un vin presque tout neuf un bon qrons tout feres … etc.

TRADUCTION :
Liste pour Isaac Pappaz
Ma grange, toute rejetée [= curée] et planchée il y a six années; mon écurie tout bien replanchie; je l’avais fait replanchir il y a huit ans; la maison de ma mère et là, neuf cent gerbes de blé, moins une que j’avais battue; trois gerbes de paille; quatre chars de foin; un demichar de mêle [= blé mélangé] hiverné; deux arches [coffres], une toute neuve, ferrée, fermant à l’aile, elle tenait sept sacs, l’autre tenait six sacs, aussi toute bien ferrée; un petit lit de sapin; un buffet de sapin qui était encore chez ma mère; un râtelier; un van presque tout neuf; un bon quarteron tout ferré; etc.

En 1742, tout comme aujourd’hui, les catastrophes servaient à tirer des leçons pour l’avenir. Le rapport officiel du Conseil communal raconte que le feu s’était allumé dans la cuisine «fort petite» de la mère d’Isaac Pappaz, «où il y avoit du bois et entre’autres des rebibes et coupeaux de bois», que des étincelles du foyer auraient pu allumer.

Mais d’après les PV du Conseil communal rédigés à l’automne 1742, on n’écartait pas la possibilité que le feu se soit déclaré dans la cheminée. Pour cette raison, la commune faisait visiter toutes les cheminées de Cossonay et d’Allens. Celles qui étaient trop basses devaient être relevées dans les dix semaines et celles encore en bois devaient être remplacées par d’autres en brique, tuf ou pierre.

Les personnes chez qui, en octobre, on trouva «des noix sechants à leur cheminée», écopèrent d’une amende de 4 batz.

Michiel De Vaan

Transcription totale du document étudié à télécharger ci-dessous :

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