MISE À JOUR DE VESTIGES DU PASSÉ À L’OCCASION DES TRAVAUX ACTUELS DANS LA GRAND-RUE

La Grand-Rue est barrée jusqu’à fin novembre à cause des travaux se déroulant au bas de la Place de la Tannaz. De très gros tuyaux attendent d’être enfouis à plusieurs mètres sous terre. À cette occasion, les ouvriers ont mis à jour des éléments constituant des traces de notre passé. Des scientifiques d’Archéotech SA, société contribuant à l’étude et à la conservation des biens archéologiques et artistiques en Suisse et à l’étranger, sont venus prendre quelques photos.

Selon Roland Auberson, connaisseur de l’histoire de Cossonay et auteur d’une brochure intitulée «L’horloge du Petit Collège», «il s’agit des restes d’un mur de la porte de La Sarraz et d’une vue de l’aqueduc construit en 1838 pour canaliser le ruisseau avant le comblement du fossé. Par contre, le tuyau en fer a sûrement été introduit dans l’aqueduc lors de travaux pas très anciens.» Une visite aux Archives communales, en compagnie de Christian Pouly, a permis ensuite de dégager quelques documents indispensables pour tenter de retracer l’historique de cette Porte de La Sarraz.

Bourg entouré de murailles

Cossonay a été bâtie sur une colline dominant la Venoge et, au fil du temps, ses enceintes ont évolué en fonction de l’agrandissement du bourg. Au 14ème siècle, elles comportent une tourelle, quatre tours et trois portes donnant accès à la Cité: la Porte de la Poteylaz, la Porte de La Sarraz et la Porte de Morges.

Les guerres de Bourgogne viennent amener des troubles dans le Pays de Vaud et, en 1474, le duc de Savoie donne l’ordre à la population de renforcer et réparer les tours et murailles de la ville. Après des années incertaines, un climat de stabilité politique s’installe dès 1536 avec la domination bernoise. Dès lors, l’utilité des fortifications diminue sensiblement. Le délabrement s’installe progressivement et les autorités successives ont de nombreux problèmes pour maintenir ces murailles en état. L’usure du temps persiste à faire son oeuvre destructrice et des pans de murailles s’écroulent régulièrement.

La Tour de l’Horloge n’aura vécu que 53 ans

Au début du 18ème siècle, la tour de l’hôpital située à côté de la Porte de La Sarraz cause bien des tracas. Son sommet est en piteux état et, plutôt que de se lancer dans des travaux coûteux, le haut est simplement démoli. Dorénavant, on se limite à faire le strict minimum d’entretien sur les fortifications existantes.

L’installation d’une horloge au bas de la ville est un sujet de discussions qui revient souvent dès 1750 et la tour de l’hôpital, transformée et reconstruite, va l’accueillir en 1785. Au cours de ces opérations, les autorités prennent conscience que les tours et murailles restantes sont inutiles, leur entretien devenant du gaspillage. Dès lors, en moins de dix ans, Cossonay va changer de visage: la Porte de la Poteylaz disparaît, l’hôpital quitte le bas de la ville, la tour de la porte de Morges passe également à la trappe. À l’aube du 19ème siècle, la tour de l’horloge est la seule survivante de ce grand chambardement et, malgré son bon état, elle devient également une victime de la modernisation. Son emplacement pose problème: elle est contiguë au pont de La Tannaz sous lequel passe le ruisseau des fossés de la ville qui mine régulièrement les bases du pont. Elle se situe sur un axe de trafic important et sa porte est trop étroite. On parlait déjà de l’élargir en 1691, mais cette fois son sort est réglé.

En novembre 1805, le syndic rapporte que le pont de la Tannaz a dû être étayé et qu’il menace de tomber en ruine: l’ogive qui devrait le soutenir du côté nord n’a plus d’appui. Les eaux du ruisseau, constamment retenues par les décombres que l’on jette depuis le pont, sont évidemment la cause de ce délabrement. Quatre ans plus tard, l’ogive n’a pas encore été restaurée et il devient impératif de faire quelque chose. Le temps passe et on attend jusqu’en 1832 pour que le Gouvernement vaudois communique son intention de réparer le pont. Mais il exige auparavant que la tour servant de porte soit abattue car elle n’a pas la largeur prescrite par la loi.

En septembre 1836, des délégués cantonaux évoquent le «redressement de la route, l’établissement d’un aqueduc à la Tannaz et la démolition de la tour.» La Municipalité, consciente de la nécessité de ces travaux, nomme une commission et se montre réticente quant à la démolition de la tour. Elle décide d’attendre des ordres venant de plus haut. Et ça ne va pas tarder puisque, cinq mois plus tard, les autorités de Cossonay apprennent que le canton se chargera de la construction de l’aqueduc pour canaliser définitivement le ruisseau, du remblaiement du fossé et de la correction de la route. En revanche, la démolition de la tour et la réfection du pavé seront à la charge de la Commune. Cette proposition est âprement discutée au Conseil estimant que le tracé de la nouvelle route est trop sinueux et le dédommagement prévu trop bas. Le Conseil d’Etat accepte ces deux requêtes et avertit la Municipalité que si elle n’adhère pas, les travaux seront réalisés sans son concours.

La situation est très claire et le Conseil communal n’a pas le choix. Il accepte les propositions de l’Etat à l’unanimité! Ainsi, pour reprendre les propos de Roland Auberson, «la tour de l’horloge n’aura vécu que 53 ans, sacrifiée en pleine jeunesse au profit de l’élargissement de la route. Le bas de la ville a définitivement changé d’allure. Le ruisseau a été canalisé, le fossé remblayé et le pont a disparu. Ainsi va la vie!»

Claude-Alain Monnard

Légende de la photo : les excavations du chantier de la Grand-Rue ont mis à jour des murs de l’ancienne porte de La Sarraz (illustration à g.), ainsi que l’ouverture de l’aqueduc de 1838.
Un dessin du milieu du 17ème siècle; au premier plan, le pont de La Tannaz, la Tour de l’hôpital et la Porte de La Sarraz. Tout à droite, le détail d’un plan d’époque avec la mention de l’hôpital et du pont.
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