Raconter la migration aux petits
Raconter aux enfants une histoire basée sur de faits réels durs tout en restant accessible. Amélie Buri, illustratrice vaudoise de 30 ans, a relevé ce défi avec son livre «Partir». Au centre du récit, Rayan et son doudou: une couverture verte qu’il emporte avec lui, partout. Quand sa famille doit tout quitter et partir, le doudou est du voyage. Traverser la montagne, la mer, les frontières… pour aller vers quoi?
Un doudou fil conducteur
«Depuis plusieurs années, j’avais envie de créer un livre qui puisse servir de support pour parler des questions de migration avec les tout petits, confie Amélie. La vie a fait que j’ai eu la chance de faire la connaissance d’une famille de Kurdes iraniens, qui après avoir cherché asile en Irak, a rejoint la Suisse via la Turquie. Reza et Nilufar, avec leur fils Rayan, ont accepté avec confiance et générosité de partager avec moi les étapes de leur voyage. Cette rencontre m’a marquée. Je ne m’étais pas préparée à la violence de leur trajectoire. J’ai été bouleversée au-delà de toute mesure. C’est sur leur récit que se base ce livre.»
Le fil conducteur du récit est donc cette couverture verte que l’on retrouve à chaque page. Les épisodes les plus douloureux, notamment le moment de la traversée de la mer, durant laquelle la famille échappera de peu à la noyade, ne pouvant pas être présentés tels quels pour un public jeunesse, Amélie a dû faire preuve d’originalité: «J’ai choisi d’utiliser le doudou comme métaphore. Il devient une sorte d’objet transitionnel pour que le petit lecteur appréhende la tragédie de manière audible et regardable. On peut d’ailleurs pousser au-delà du récit du voyage et se questionner, aussi en tant qu’adulte: et moi, quel est le doudou qui m’accompagne dans la traversée de ma vie? Dans les moments difficiles, à quoi est-ce que je me raccroche?»
Gouache et acrylique
Le livre se termine à la fin de la partie périlleuse du voyage. L’accueil et l’intégration dans le nouveau pays ne sont pas montrés, ils sont juste suggérés à la toute dernière page, proposant au lecteur de se demander quel rôle il peut jouer dans la suite de cette histoire.
Pour illustrer ce récit, des dessins ont été réalisées à la gouache et à l’acrylique. Le trait se veut volontairement vivant et ouvert. Sur chaque planche, l’élément central a été découpé, collé et peint. Côté écriture, le texte est minimaliste, souhaitant être le plus universel possible, invitant chacun à compléter les étapes du voyage à sa guise.
Illustratrice vaudoise née en 1980, Amélie Buri dessine depuis qu’elle sait tenir un crayon, Un diplôme d’infirmière en poche, quelques années de nomadisme entre Asie et Amérique latine, puis éducatrice et animatrice auprès des personnes en situation de handicap. «À partir de 2007, je reprends mes crayons à titre professionnel, en gérant durant dix ans la communication visuelle de l’Institution de Lavigny. Dès 2009, je développe mon activité freelance, à laquelle je me consacre à plein temps depuis 2017.»
Aujourd’hui basée à La Sarraz, elle réalise des travaux d’illustration et de graphisme sur mandats pour la presse, l’édition, les entreprises, les institutions et les particuliers. Amélie compte déjà plus d’une dizaine de livres illustrés publiés, traitant de sujets comme le handicap, la mort ou la différence.
Guillaume Peter