Samedi 9 mai, sous un soleil radieux, du monde se presse à la Ferme La Lizerne. En voiture, à vélo ou à pied, il y a du passage avec des habitués, des convaincus, mais aussi quelques nouveaux visages.

Sourire aux lèvres, on vient d’ici, d’un peu plus loin, de Lausanne et même de Vevey pour découvrir cette première journée de vente directe de plantons à la ferme des familles Devenoge et Giclat. Il semble qu’un vent nouveau souffle sur ce domaine agricole bio peu habitué à une telle vague de fréquentation.

Alors qui sont-ils ces nouveaux venus? Qu’est-ce qui les pousse à changer leurs habitudes durant cette période si particulière? Incessamment, un mot revient sur toutes les lèvres «le temps»: «Je travaille dans la grande distribution et la pandémie m’a ouvert les yeux, j’ai pris le temps de réfléchir», raconte cette habitante de Sullens âgée de 62 ans. Plus étonnant encore, certains labourent pour la première fois leur gazon pour cultiver des légumes, d’autres cuisent du pain ou se passionnent pour la cuisine: «Je suis devenue la reine des soupes!», s’exclame avec joie Lolita Allaz Junod, 59 ans, de Boussens.

Il a fallu anticiper

On évoque aussi au passage la peur des magasins bondés, la stupeur devant un effondrement si rapide du monde tel que nous le connaissions. «Notre modèle économique actuel nous a fait beaucoup réfléchir», commentent Violeta et Manuel, 37 ans, de Lausanne. Entre regards et échanges, il se murmure timidement qu’après tout cette pause inattendue fait du bien.

Avec l’arrivée de la crise sanitaire et des mesures prises par le Conseil fédéral, les annulations de marchés s’enchaînent et le gîte rural de la ferme n’accueille plus de clients, l’heure est au doute, mais aussi à la prise de décision: «Avec la prise d’assaut des magasins, nous nous sommes dit qu’il fallait faire attention à un éventuel retour de la médaille. Pour les plantons que nous vendons majoritairement sur les marchés, nous avons décidé de ne pas stopper entièrement la production, mais de la réduire. Notre philosophie aujourd’hui est de nous adapter au jour le jour», explique François Devenoge, cogérant de la ferme.

Nouvelles technologies

Il faut dire que le pressentiment de cette jeune équipe très dynamique a payé. Aujourd’hui, cette exploitation peu connue avant la pandémie ne compte plus les passages devant son self-service qui offre une grande diversité de produits: «Cela n’a pas pris tout de suite, car nous sommes une petite structure, mais les clients sont là et ils n’hésitent pas à mettre la main au porte-monnaie!», constate François Devenoge.

La Ferme La Lizerne disposait déjà d’une page Facebook et avait programmé la création d’un site internet depuis décembre 2019. Avec la crise sanitaire, nous voilà tous sur nos téléphones! Tout s’accélère, le bouche-à-oreille laisse place aux réseaux sociaux: «Facebook c’était quelque chose d’incroyable, cela nous a vraiment poussés à faire plus de marketing», remarque Silvana Devenoge-Brülisauer.

Il faut dire en effet qu’à la même période, une publication similaire récolte généralement entre 500 et 1000 vues en un jour, contre plus de 3000 aujourd’hui, sans compter les nombreux partages.

Changement des mentalités ?

Et l’avenir? Qu’en adviendra-t-il de toutes ces bonnes résolutions et de ces moments où l’on a pu prendre le temps? On se dit confiant, prêt à consommer plus local, mais certains redoutent aussi un retour aux vieilles habitudes: «En deux mois, notre société n’est pas prête à changer», glissent, deux amies retraitées de Pompaples.

Du côté de l’équipe de la ferme, on préfère garder les pieds sur terre: «Quand le schéma métro-boulot-dodo va reprendre sa place dans nos vies, nous nous attendons à ce que seulement 15% de ces nouveaux clients reviennent. Malgré tout, il est clair que ce coronavirus va laisser des traces», conclut François Devenoge. Il est vrai que ce pourcentage peut paraitre comme étant une simple goutte d’eau dans la mer, mais il est aussi synonyme d’une avancée, d’un espoir de changement durable des mentalités.

Geneviève Muradova-Hernandez

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