120 ans du Journal de Cossonay
Ils voulaient relier la Mer du Nord à la Méditerranée
C’est lors de sa session d’automne de l’année 1955 que le Conseil d’Etat décide de placer le canal d’Entreroches sur la liste des biens culturels d’importance nationale dans le canton de Vaud. Il faut dire que la douzaine d’année qui avaient précédé, avaient vu une énième tentative de remise en route du projet. Mais finalement, le développement des routes et du rail rendirent les perspectives de rentabilité plutôt faibles. Et pourtant, l’idée était belle: relier la Mer du Nord à la Méditerranée par voie fluviale.
« Plus que » 12 kilomètres
Cette idée, elle avait germé dans la tête d’Elie Gouret, un gentilhomme huguenot établi aux Pays- Bas, lors d’un voyage en Suisse en 1926. Il faut se souvenir qu’en ce début de XVIIe siècle, les Pays-Bas sont en pleine guerre d’Indépendance contre l’Espagne catholique, ce qui rendait plutôt périlleux le commerce par mer avec les provinces italiennes.
À l’inverse, les territoires traversés par le Rhône et le Rhin étaient plus bienveillants. D’où le projet de construire un canal reliant Yverdon à Morges, en empruntant le lit de la Thièle et de la Venoge. En 1637, Leurs Excellences de Berne autorisent la construction de ce canal, qui débute l’année d’après. Deux ans plus tard, la plaine de l’Orbe est traversée, mais il en faudra huit de plus pour traverser le Mormont et relier Cossonay. Il ne manque plus que 12 km pour atteindre le Léman, mais le dénivelé est de…huitante mètres. Il faudrait donc encore construire une quarantaine d’écluses, une opération coûteuse et délicate. La construction du canal d’Entreroches ayant déjà beaucoup pesé sur les capitaux, les propriétaires prennent peur et interrompent les travaux. Les aspirations internationales s’envolent et le canal ne sera dès lors qu’un acteur régional du transport, mais dont le rôle sera tout de même très positif dans le développement de l’économie vaudoise à l’époque bernoise.
Cinq ports au long du trajet
Durant la période où le canal était entièrement en fonction, c’est-à-dire jusqu’au début du XVIIIe siècle, il fallait à trois hommes et huit chevaux quatre jours pour accomplir le trajet Cossonay-Yverdon et retour. Il en coutait 33 batz par char. Les longues barges à fond plat de vingt mètres de long, de modèle hollandais, mais fabriquées à Thoune, puis à Yverdon, déplaçaient 25 tonnes.
Il y avait cinq ports établis le long du trajet, comprenant des quais, des entrepôts et une maison habitée par un chef d’exploitation nommé «commis», un maitre charpentier qui savait lire et tenir note de toutes les expéditions. Il reste aujourd’hui encore une maison de commis, celle d’Entreroches, que l’on peut admirer à la fin du très joli sentier didactique, entièrement restauré par la Protection civile en 2016, et qui suit le parcours de l’ancien canal en partant de la gare d’Eclépens.
Stéphane Raynaud