Deux vastes plateformes en bois, entourées de rondins, ont pris place depuis quelques jours au col du Mollendruz. Elles marquent symboliquement l’entrée prévue du futur parc éolien. Des panneaux informatifs invitent les promeneurs à méditer sur la question de l’énergie renouvelable. Ce mobilier éolien est une initiative de la société Energie Naturelle Mollendruz (ENM). Il va de pair avec le lancement de la campagne de soutien «Je suis pour», menée par ENM. Le sort du parc éolien du Mollendruz est, en effet, toujours entre les mains du Tribunal cantonal. En septembre 2018, cinq organisations de protection de la nature et du paysage avaient fait recours au niveau cantonal contre la levée de leurs oppositions.
Plus grand projet vaudois
Le parc éolien du Mollendruz est le plus grand projet vaudois de ce type à ce jour. Sur le haut-plateau situé à l’est du col, il prévoit l’implantation de douze éoliennes de plus de 200 mètres de hauteur. Il permettrait une production d’électricité de 60 à 70 GWh par an, ce qui correspond aux besoins d’environ 17’000 ménages.
Ce projet est le fruit d’une collaboration entre les communes de Juriens, Mont-la-Ville, La Praz, Vaulion et Yverdon-les-Bains, ainsi que le service d’électricité de la ville de Zurich. Ces entités ont fondé la société Energie Naturelle Mollendruz, qui est chargée de planifier, construire et gérer les douze éoliennes prévues sur le site. «Ce projet s’inscrit dans la volonté politique de la Confédération, qui a vu sa décision de principe de sortir progressivement du nucléaire confirmée par le peuple, le 21 mai 2017 lors du vote sur la stratégie énergétique 2050, explique Cédric Aubert, Administrateur délégué d’ENM. Il correspond aussi à la planification du canton de Vaud, qui veut confier au vent un quart de sa production d’électricité.» Tant la Confédération que le Canton ont reconnu le potentiel éolien du Mollendruz, en raison notamment de sa bonne exposition au vent et de sa localisation éloignée des zones d’habitation dense.
Impacts sur la faune ailée
Ce projet est en préparation depuis plus de dix ans. En 2018, le Canton a levé les quelque 230 oppositions, suscitées par la mise à l’enquête. Cinq organisations (Pro Natura, Helvetia Nostra, la Fondation pour le paysage, Aspo/Birdlife et Paysage-Libre Vaud), ont fait recours au Tribunal contre la levée de leurs oppositions. Un de leurs griefs majeurs porte sur les impacts sur la faune ailée: «Au moins cinq espèces d’oiseaux et six espèces de chauves-souris de la liste rouge des espèces menacées fréquentent ce site, déplore les organisations recourantes. Ces animaux vont perdre un habitat déjà sous forte pression.»
Selon Cédric Aubert, les études réalisées ont permis de prendre des mesures pour minimiser l’impact sur la faune, mais aussi pour le compenser: «Nous avons recensé le nombre d’espèces et leurs habitats. Cela nous a notamment amené à changer la configuration du parc: nous avons, par exemple, déplacé les éoliennes à plus grande distance de la forêt pour nous éloigner de l’habitat de certaines espèces. Nous avons aussi prévu des mesures de compensation, par exemple pour l’alouette lulu, qui améliorent considérablement son habitat. »
Les organisations recourantes déplorent également que «sur le plan du paysage , ce projet dégrade une large portion de la crête principale du Jura vaudois. La visibilité des éoliennes s’étendrait sur une grande partie du Plateau vaudois et touche des points remarquables comme celui de la Dent de Vaulion.»
Campagne «Je suis pour»
Avec la campagne «Je suis pour», Cédric Aubert veut proposer de porter un regard nouveau sur l’éolien: «Dans les pays scandinaves, les éoliennes font partie du paysage, sans que cela ne dérange personne. De la même manière, on s’est habitué aux viaducs ou aux barrages. J’aimerais que dans le cadre de cette campagne, les gens osent dire qu’ils trouvent les éoliennes esthétiques. Ma vision est que les éoliennes du Mollendruz deviennent un nouveau repère dans le paysage romand.»
Point de rencontre
Ces dernières années, le thème des éoliennes a été source de tensions dans plusieurs villages, notamment à La Praz, qui avait refusé de participer dans un premier temps. En attendant la décision duTribunal administratif, Cédric Aubert espère que le nouveau mobilier éolien du Mollendruz deviendra un point de rencontre et de discussion: «Nous aimerions que les habitants puissent s’approprier les éoliennes, qu’ils conçoivent cette évolution du paysage qui va de pair avec le style de vie de la société et que ce projet devienne celui de tous. L’avenir énergétique de la Suisse sera renouvelable. Il passera par un mix énergétique où l’hydraulique, le solaire et l’éolien ont un rôle essentiel à jouer.»
Laurence Künzi