Salut, c’est Mehdi, le Traîne-Gourdin (sobriquet des habitants de Cossonay) parti à l’assaut du Kilimandjaro et du bush africain. Je suis de retour pour vous faire voyager à l’aide de mes photos, et même si je sais bien qu’une image vaut mille mots, en voici quelques-uns, de mots, pour accompagner mes clichés.

L’aventure débute lorsque, ma soeur Mélodie et moi, arrivons en Tanzanie. Nous constatons que le pays est pauvre bien que les gens qui le peuplent sont en or. Nous comprenons aussi rapidement que le «Pole Pole» et le fameux «Hakuna Matata» font partie intégrante du  paysage tout comme les nuages qui se profilent à l’horizon. Sur le trajet nous amenant à notre hôtel, nous essayons de discerner derrière ces amas (géants) de cotons, le géant (titan) que nous nous apprêtons à grimper. À défaut de le voir, notre imagination elle, tourne à 100 à l’heure.

À l’hôtel, nous découvrons notre équipe composée de Tao, general manager chinois de 47 ans et de Jale, infirmière australienne de 39 ans. C’est donc à quatre que nous nous dirigeons vers la  montagne dans un bus sorti tout droit de Rasta Rockett, accompagnés de toute l’équipe qui va nous soutenir durant cette folle aventure. Il y a Side, notre charismatique guide et ses deux acolytes; Yahoo et James. Le premier est un géant d’1m95 et le deuxième est le sosie du boxeur mondialement connu Floyd Mayweather, Jr.. Mais ce n’est pas tout, il y a aussi Rafiki notre serveur, Abass notre cuisinier ainsi qu’une dizaine de porteurs.

Après de longues démarches administratives nous entreprenons enfin notre périple au rythme sacré du Pole Pole qui se trouve être l’une des deux clés du succès, la seconde étant de beaucoup boire.

Nous avançons donc tels des tortues et buvons comme des éléphants. Pendant ce temps, les porteurs nous dépassent avec un sourire d’une blancheur éclatante, chargés d’énormes sacs, qu’ils transportent sur le dos, la tête ou encore la nuque sans même utiliser leurs mains: impressionnant! Il n’y a pas de doute, bien que les sacs remplacent les capes, ce sont bien eux les vrais héros du Kilimandjaro. Les camps sont un spectacle surprenant où cuisiniers, serveurs et porteurs s’affairent à prendre soin des marcheurs. Les repas sont bons, copieux, équilibrés et nous aident  à passer les longues nuits froides en altitude. Les réveils sont les bienvenus, car ils sont accompagnés d’un thé ou d’un café servi à même le sac de couchage par Rafiki avec la bonne humeur qui le caractérise. Cette source de chaleur matinale réchauffe tant le corps que l’esprit! Puis, après un petit-déjeuner copieux nous levons le camp pour le prochain.

Dès 4000 m tout devient un effort

Durant les marches de 5 à 9 heures pour nous mener au camp de base, on fait connaissance avec les maux de tête dus à l’altitude, mais aussi avec les splendides paysages offerts par notre hôte de la semaine: la montagne.

Bien que tout le monde respecte le rythme du «Pole Pole», les nuages eux, n’en font qu’à leur tête: ils peuvent envahir le paisible ciel bleu en moins de 15 minutes. Le  brouillard quant à lui nous donne souvent rendez-vous aux différents camps dans lesquels nous dormons. Fort heureusement, il a la délicatesse de s’en aller pendant la nuit afin de nous laisser profiter des magnifiques paysages que nous dévorons des yeux au réveil.

À partir de 4,000 mètres, il n’y a plus grande végétation et l’altitude se fait sentir. Tout devient alors un effort, y compris la digestion. J’ai compris cela à mes dépens après un festin de trois assiettes de poulet-frites auquel on a eu le droit avant le camp de base situé à 4,650 m.

Une fois arrivée là-bas, Mélodie a  commencé à se sentir mal et avait la nausée. Puis, pendant la soirée, elle a eu une hallucination: elle voyait le pot de cacao en poudre bouger tout seul sur la table. Ce type de réaction peut disparaître aussi vite qu’il est apparu mais est également un des symptômes de l’oedème cérébral, avec des suites éventuellement fatales.

Après maintes réflexions, ne voulant prendre aucun risque, on décide de faire descendre Mélodie à un camp inférieur.

Mais à peine sortie du camp, elle ressent en son for intérieur l’intime conviction que ces réactions n’étaient pas si graves et qu’elle pouvait tenter l’ascension finale. Quinze minutes plus tard, j’apprends donc par le guide à travers notre tente, que ma soeur est de retour!

L’inquiétude générée par son état de santé m’empêche de dormir ne serait-ce qu’une minute durant cette longue et à la fois courte nuit. C’est donc impatient que je me lève à 23 h pour prendre de ses nouvelles, puis, rassuré, pour partir en direction du sommet après un thé et des biscuits faisant office de petit-déjeuner.

« L’évènement le plus dur de ma vie »

Par -12°C on débute cette ascension nocturne. C’est sans doute l’événement le plus dur qu’il m’ait été donné de vivre. Le froid me gèle les doigts tant des pieds que des mains, les minutes sont longues et le silence assourdissant est coupé par le bruit monotone de nos pas. Mais heureusement, de petits évènements réchauffent le corps et le coeur dans cette nuit glaciale. Il y a le spectacle magique des frontales qui serpentent en direction du sommet se perdant et se confondant avec les milliards d’étoiles peuplant ce ciel d’une clareté époustouflante. Tout comme le mystique lever de lune sortant tout droit de la mer de nuage que nous surplombons.

Ou encore le chant des guides, véritable rayon de soleil égaré dans les ténèbres de la nuit. Les pauses sont courtes, afin que nous ne finissions pas en statues de glace. Lors de l’une d’elles, je vois Rafiki somnoler, je décide donc de partager avec lui ma dernière barre d’Ovomaltine. Je suis pris d’un fou rire lorsque je vois son visage s’illuminer dès qu’il croque dans le chocolat. C’est donc vrai, l’Ovomaltine c’est de la dynamite! L’instant est court mais c’est un souvenir qui me restera à vie. Puis les minutes se suivent, tout comme nos pas, doucement, doucement. Alors que le souffle et les maux de tête, eux s’intensifient…

Le sourire béat et la larme à l’oeil

Suite à une nuit interminable, on a le droit à un magnifique lever de soleil qui nous motive à atteindre Stella Point (à 5,756 m). Voilà plus d’une heure que notre groupe s’est scindé en deux, suite à l’état de Jale. Elle restera finalement à Stella Point. À ce moment, le sommet est a portée de vue mais semble si loin de nous.

On rassemble le peu de force que l’on ressent afin d’aller au bout des 239 derniers mètres de dénivelé. On met 1h20 pour y parvenir, bien que dans ma tête, il nous a fallu 20 minutes. À ces altitudes, le cerveau ne fonctionne définitivement plus comme d’habitude.

Après ces épreuves, ces soucis et la longue ascension, on arrive extrêmement fatigués à Uhuru Peak. Nous nous trouvons, le sourire béat et la larme à l’oeil, sur le toit de l’Afrique, à 5,895 mètres d’altitude! Une euphorie indescriptible me submerge. Bien que j’aie encore la tête dans les nuages, je ne sens plus aucune fatigue. La joie l’a désormais remplacée.

Descente en moins de deux heures

Nous prenons les photos symbolisant notre réussite puis nous repartons de plus belle. Je cours et prends le temps de faire quelques photos du magnifique panorama qui nous entoure. Les neiges éternelles sont là, d’une beauté et une blancheur rare mais nous constatons avec tristesse qu’elles ne sont plus si éternelles, le réchauffement climatique ayant lui aussi déjà gravi la montagne.

Puis, c’est la descente, effectuée en moins de deux heures en courant dans les cendres et les cailloux alors qu’il a fallu plus de huit heures pour l’ascension. On partage dans la bonne humeur un excellent repas et on échange nos impressions sur la rude nuit passée avant de descendre au dernier camp, situé 3000 m).

Le lendemain, nous rejoignons l’hôtel avec des souvenirs plein la tête sans réaliser totalement ce que nous venons d’accomplir…

TEXTE ET PHOTOS MEHDI ISOZ

 

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