Par Laurent Grabet

De loin, une montagne a toujours l’air plus raide que lorsqu’on est effectivement dessus. Le Bec des Rosses (3223m), théâtre de l’Xtreme de Verbier, compétition freeride la plus prestigieuse du monde, ne fait pas exception. Heureusement! Car à la jumelle, on aurait juré que cette austère face nord valaisanne de 400 m, parsemée de redoutables barres rocheuses, était «inskiable».

Une fois dedans, on comprend qu’elle ne l’est pas tant que ça mais pas question de faire le malin pour autant. Car ces mètres flirtant parfois avec les 50° qu’on escalade «droit dans l’pentu», skis sur le sac et crampons aux pieds, il faudra bien les redescendre. Contrairement aux freeriders de l’Xtreme, nous ne sauterons aucune barre rocheuse au passage. Pour cela, il faudra dénicher une «ligne» ad hoc dans cette labyrinthique face de vieux gneiss qui en compte des dizaines. Heureusement, Claude-Alain Gailland, chef sécurité de l’Xtreme m’escorte. Après 1h30 d’effort, nous voilà déjà au sommet d’où les dames prennent leur départ, presque 3000 m. Celui des messieurs, situé 200 m plus haut, est inskiable aujourd’hui. La descente durera vingt minutes et sera jalonnée de nombreuses pauses. Les pros mettent deux à quatre minutes pour la plier mais pas question pour eux de s’arrêter pour apprivoiser l’acide lactique qui leur brûle les cuisses!

Ce qui frappe d’emblée, c’est la pente. À cause de la topographie de la montagne, on ne voit pas toujours ce qui attend nos skis dix mètres plus bas. C’est assez déstabilisant mais il ne faut pas y laisser sa concentration car, par endroits, chuter signifie glisser sans pouvoir s’arrêter et basculer d’une barre rocheuse. Et effectivement, même descendu en prenant mon temps, de par sa difficulté, le Bec impose une vigilance endurante. Une fois en bas, une joie paisible s’installe. Elle perdurera plusieurs heures et alors que, sur le chemin du retour, je me retrouve coincé dans un train bondé entre deux pendulaires hypnotisés par leur natel, je comprends que la montagne m’a délivré sa leçon la plus belle et la plus difficile à intégrer: celle de la présence à soi, aux autres et à son environnement.

TEXTES ET PHOTOS: LAURENT GRABET


EN 3 MOTS

Statistiques
400 m de dénivelé. 30, le nombre approximatif de «lignes» skiables dans la face nord. Un minute et quarante secondes, le temps mis par le snowboarder français Xavier de Le Rue en 2010 pour dévaler la face. 600 francs, le tarif d’un guide pour «faire» le Bec (deux participants maximum).

Panorama
Depuis le sommet, la vue est magnifique. Le massif des Combins et celui du Mont-Blanc s’offre à nous. Côté sud, 2000 mètres plus bas sommeille, minuscule, le village de Lourtier (VS). En 1999, il avait été coupé en deux par une gigantesque coulée partie du sommet du Bec.

Déclaration d’amour
«Cette montagne est féminine. C’est à la fois une gourou, un ventre et une arène de gladiateurs. Une connexion spirituelle s’impose entre elle et ceux qui l’aiment. Il faut toujours l’aborder avec humilité et respect car elle te sera toujours supérieure», explique le légendaire rider Steve Klassen.


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