« Quand je rêve, je me sens libre »
Un jour, un article de journal avait décrit Mireille Keita comme une «tornade de bonheur». Une tornade, car elle s’engage de manière incroyable par l’intermédiaire de l’association Solidarité Afrique Farafina. Quant au terme bonheur, il n’est pas galvaudé: lors de notre discussion, les éclats de rire sont nombreux et la lumière inonde son visage.
En 1991, à l’âge de neuf ans, Mireille Keita assiste, impuissante et révoltée, aux brûlures mortelles d’une fillette tombée dans une calebasse de mil bouillant, une enfant que personne n’avait voulu soigner car la maman ne disposait pas de l’argent nécessaire.
Ce souvenir marquant est à l’origine du désir de Mireille Keita d’étudier plus tard la médecine afin de venir en aide aux autres. Cependant, après l’obtention de son bac, ce projet ne verra pas le jour pour des raisons administratives.
Elle s’engage alors sur une autre voie et trouve du travail dans le cadre d’un festival de théâtre à Bamako. C’est à cette occasion qu’elle fait la connaissance de son futur époux, qu’elle rejoint bientôt en Suisse. Plus tard, lors d’un voyage au Mali, elle rencontre dans le village de Sikoro une petite fille, Amina, gravement infectée à une joue. Touchée par cette situation, Mireille Keita décide de participer financièrement aux soins nécessaires.
Un festival à Baulmes
De fil en aiguille naît sa volonté de fonder une organisation pour pallier ces manques. C’est le point de départ de l’association Solidarité Afrique Farafina, qui a pour mission de redonner de la dignité aux gens en leur faisant prendre conscience du rôle qu’ils ont à jouer. «Et ainsi, par l’entraide, d’amener un regard différent sur l’Afrique et de favoriser la mixité des cultures», glisse notre interlocutrice. Grâce à son énergie et ses contacts, les projets de Mireille Keita prennent de l’ampleur: une maternité et un dispensaire ont été construits, un forage offre un accès à l’eau potable, les productions locales sont valorisées.
Forte de cette expérience, et afin de financer ses projets, elle crée il y a sept ans le festival Yelen, («lumière» en bambara, une des langues du Mali). Ce rendez-vous convivial, qui se tiendra à Baulmes du 7 au 10 septembre, met en valeur les richesses de la culture africaine en proposant spectacles, concerts, contes, numéros de cirque et cours de danses.
À cette occasion, Mireille se rend dans les classes, elle répond aux médias (on l’a vue récemment dans l’émission de la RTS «Passe-moi les jumelles»), emmenant dans son sillage les bonnes volontés grâce à son dynamisme et ses connaissances interculturelles.
Ne jamais baisser les bras
Née en Côte d’Ivoire où son papa était enseignant, Mireille a grandi dans une fratrie de six enfants. Elle évoque une ambiance familiale à
la fois chaleureuse, stricte et ouverte. «Mes parents nous ont élevés avec de fortes valeurs qui m’ont permis de devenir celle que je suis. Pour eux, c’était dur de me voir partir!»
En arrivant en Suisse, Mireille explique avoir éprouvé de l’appréhension. Timide, en manque de confiance, elle a beaucoup observé pour apprendre les manières locales et trouver sa place. «Peut-être que je donne l’image d’une personne fragile? Mais, à travers cette fragilité, j’ai découvert une force qui me pousse en avant et me fait croire en mes actions. Je ne baisse pas les bras.»
Au quotidien, elle dit le bonheur d’être bien entourée, que ce soit en famille ou sur le plan associatif. Quant à celles et ceux qui sont restés au pays, elle en parle d’une manière pleine d’émotion. «Notre amour n’a pas de frontière et nous serons toujours avec toi!», lui a dit un jour sa maman. «Par la pensée, je me sens proche d’eux. Très souvent, ici, on vous dit d’arrêter de rêver. Mais quand on rêve, on est libre, on peut s’évader. De cette manière, j’ai la possibilité de fermer mes yeux et de me trouver au Mali ou à Baulmes. Mes rêves me portent, tout en gardant les pieds sur terre.»
CLAUDE-ALAIN MONNARD