Le peintre de Mont-la-Ville écrit une carte postale d’un endroit où il a posé son chevalet. Aujourd’hui, le Château de La Sarraz.
A Farhad,
Les deux tours principales de l’édifice médiéval se dressent dans l’air glacial, ce samedi de décembre. Le Musée du cheval est au repos; les sorcières et autres morts-vivants croisés lors de la récente fête d’Halloween sont retournés au placard, ou dorment au fond de quelques oubliettes.
Face au château, je n’ai nullement l’intention de planter mon chevalet sur le sol gelé. À peine ai-je l’audace de sortir mes mains des poches pour prendre une photo… Ça pourrait servir, plus tard à l’atelier. Quelques rares promeneurs emmitouflés fréquentent le jardin qui revêt un aspect plus austère qu’à l’habitude. Je t’aperçois justement en compagnie de ton épouse, descendant l’allée enneigée.
Plus bas, les commerçants du marché de Noël ainsi qu’un public transi mais enthousiaste ont envahi la rue principale. Un groupe de jeunes musiciens se dégourdit les doigts avec des morceaux de rock; l’atmosphère se réchauffe d’un cran grâce aux décibels du groupe et de ses groupies, sans inverser toutefois les températures négatives.
Dans une boutique accueillante nous buvons un chocolat chaud. Avec douceur, avec pudeur, tu évoques les événements tragiques qui endeuillent ton pays, très loin d’ici.
La création d’un tableau s’inscrit dans un contexte. Quelques jours plus tard, en réalisant cette peinture alla prima (c’est à dire dans l’huile fraîche en une seule séance), je repense à notre conversation.
Gilles-Emmanuel