« 29 jours de marche après, on a vu la mer »
«Notre Grande Traversée des Alpes, ou un mois de randonnée sur le GR5, de Saint-Gingolph à Nice, c’est en tout 46 cols, 32’000 mètres de dénivelé positif, 550 kilomètres, un million de pas et une cloque chacun!», expliquent Anne Sauter et son fils Loïc, qui se sont embarqués dans cette aventure entre juin et juillet 2022. Officiellement, le GR5 part de la mer du Nord pour rejoindre la Méditerranée à Nice, sur une distance de 2’600 kilomètres. Il a été balisé comme itinéraire de Grande Randonnée dès la fin des années 1940. Sur la partie française pour la traversée nord-sud des Alpes, il prend son appellation de Grande Traversée des Alpes.
Départ le 20 juin 2022
«Il y a cinq ans, dit Anne, alors que je rêvais à ce parcours en découvrant le topo, Loïc m’a parlé de son désir d’aller voir la mer à pied. Cependant, à l’âge de 11 ans, c’était un peu tôt…» Mais l’idée était imprégnée, elle ne demandait qu’à se concrétiser plus tard.
Si le départ a été fixé au 20 juin 2022, Anne et Loïc ont débuté une préparation administrative en début d’année: lire des guides, faire des repérages sur la carte, définir la longueur des étapes, peser le pour et le contre de diverses variantes. «Nous avions le choix de voyager léger ou de tout prendre avec nous. Dans ce deuxième cas, tu portes ta liberté sur le dos, mais, si les conditions météo sont mauvaises, le trek se complique sérieusement. On a donc opté pour un certain confort et la légèreté (12 kg chacun) en réservant les vingt-neuf lieux d’hébergement à l’avance.»
Préparation physique
La préparation physique s’avère essentielle pour une telle rando. À l’évocation de ce thème, Loïc sourit: «Je n’ai rien programmé, restant sur mes acquis. Je suis néanmoins monté une fois à Châtel et j’ai aussi grimpé de Villeneuve aux Rochers-de-Naye. Mais rien de plus!»
Ce qui n’a pas été le cas d’Anne car, «ne voulant pas rester à la traîne, je me suis astreinte à effectuer chaque semaine des sorties variant entre 700 et 1600 m de dénivelé.» Donc, L’Isle-Châtel ou le Mont-Tendre n’ont plus de secret pour elle. Quand le temps lui manquait, elle a «tourniqué» dans les environs de Cossonay sur une vingtaine de kilomètres.
Presque toute la randonnée s’est déroulée selon les plans prévus. Les 29 jours de marche ont été bien négociés entre soleil, canicule, orages, grêle et brouillard. «En quelques circonstances, la foudre est tombée tout près et les éclairs se succédaient comme dans un formidable roulis. Vraiment impressionnant, même si on savait plus ou moins comment réagir grâce à un article de Météo Suisse!»
Le balisage efficace n’empêche cependant pas les randonneurs de se «paumer» parfois. Ce fut le cas d’Anne et Loïc, à cause du brouillard, de fausses traces ou des panneaux placés de façon inappropriée. Et puis, surviennent des surprises d’épicerie fermée nécessitant de râcler les fonds de sac pour se sustenter ou de gîte fermé au milieu du Mercantour. De quoi s’énerver? «Pas du tout, de toute manière, on ne peut rien y changer», explique Loïc. «On a cherché sur la carte où se trouvait un bâtiment proche du village suivant (à six heures de marche) et on a repéré dans les environs une bergerie rustique, par chance occupée, où les habitants nous ont accueillis avec un grand A», poursuit Anne.
Une randonné de 29 jours en tête-à-tête laisse immanquablement des traces. Selon les jours, le duo marche ensemble, papote, s’encourage. En d’autres circonstances, existent des moments où chacun se déplace à son rythme, l’esprit habité par des pensées personnelles. «J’ai songé parfois aux cours de chimie du Gymnase. Ça m’a occupé», assure Loïc dans un grand sourire. Pour Anne, «ce mois de marche m’a vidé la tête. J’ai totalement débranché pour me consacrer uniquement à l’instant présent en l’appréciant.»
«Ce que j’ai appris sur maman? Elle fait preuve d’endurance et de persévérance, mais ça, je le savais déjà.» Anne constate que Loïc est doté d’une grande force mentale et physique, qu’il se montre positif, joyeux et sensible. «Nous avons réalisé qu’en marchant, comme dans la vie, nous avançons immuablement; parfois nous regardons en arrière pour observer le chemin parcouru, mais le but se situe devant et nous l’atteignons pas à pas.»
« Un défi un peu fou »
Dans le futur, le duo n’écarte pas l’idée de renouveler l’expérience. «Pourquoi pas? Mais où? Quand? Comment? On ne ne le sait pas actuellement!»
Enfin, pour souligner des points forts de cette randonnée, Loïc parle de belles rencontres éphémères, de partages momentanés et sympas, de complicité avec sa maman. Cette dernière évoque des paysages époustouflants, des animaux sauvages, des bains en lacs et rivières avant d’atteindre la mer et la joie de partager ces cadeaux quotidiens avec un super compagnon de route. «Notre Grande Traversée des Alpes fut un défi un peu fou, réalisé grâce à la solidarité et la complicité mère-fils.»
Claude-Alain Monnard