En investissant dans une centrale solaire photovoltaïque collective et citoyenne, la Commune de Vaux-sur-Morges est bien déterminée à se placer en pionnière en matière d’énergie verte et locale. Alors que la hausse des prix de l’électricité est sur toutes les lèvres, cette commune de 200 habitants planche depuis plus d’un an sur ce projet innovant. «Nous n’avons pas attendu la pénurie d’électricité et la grave crise environnementale pour aller de l’avant», affirme Yves Schopfer, syndic.
Une halle à copeaux
Concrètement, la future centrale, qui devrait être opérationnelle au printemps 2023, sera installée sur le toit du hangar à bois de David Spycher, agriculteur et municipal. En tout, ce sont 500 mètres carrés de panneaux, soit une puissance de 100 kilo-watts-crête, qui vont prendre place sur la gigantesque halle du centre de la localité. La commune dispose certes d’un fonds pour le développement durable depuis 2014, qui est doté de quelque 750 000 francs. Mais pour financer ce futur bijou, elle met sur la table la somme de 140 000 francs, acceptée par le Conseil général, sur les 260 000 francs budgétés au total. Le reste sera comblé par des subventions fédérales.
«Le projet de Vaux-sur-Morges est unique en Suisse, confirme Karine Roch, coordinatrice de l’Association suisse pour l’énergie citoyenne (ASEC), créée il y a trois ans. C’est la première fois qu’une commune se lance dans un tel projet. De plus, il s’adresse autant aux propriétaires qu’aux locataires. Ici, il ne sera pas obligatoire de disposer d’un toit pour participer.»
Contourner la loi
Pour le mettre sur pied, les acteurs se sont d’abord heurtés à un problème de taille. En effet, la loi sur l’énergie ne permet de consommer de l’électricité produite par une telle installation que dans la mesure où un ou plusieurs bâtiments y sont raccordés. Ce qui n’est pas le cas à Vaux-sur-Morges. «Lorsque l’on produit de l’énergie photovoltaïque, on ne peut pas l’injecter directement dans le réseau public», résume le syndic. L’ASEC a donc trouvé une solution innovante pour contourner cette interdiction.
Dans les faits, la commune va vendre l’entier de l’électricité produite par la centrale à Romande Energie, gestionnaire du réseau de distribution. «Les habitants continueront à recevoir leur facture d’électricité exactement comme aujourd’hui, ajoute Yves Schopfer. Mais grâce au principe d’autoconsommation collective, nous leur rétrocéderons une ristourne calculée sur la quantité d’énergie qu’ils ont consommée lors de la production solaire.»
Un boîtier pour tout relever
Pour parvenir à faire ce calcul, un boîtier est installé sur le compteur des logements participants. L’objectif? Faire tourner les appareils ménagers gourmands en énergie lorsque l’ensoleillement est le plus fort. «Il faudra, par exemple, faire fonctionner la machine à laver la vaisselle à midi plutôt qu’à 18h, rappelle François Calame, directeur du projet et ancien syndic de Bougy-Villars. Le consommateur peut ainsi recentrer sa consommation lorsque la production solaire est la plus forte.»
Grâce au fameux boîtier, le compteur électrique des habitants va être relevé de manière numérique. «Cette information est envoyée à une plateforme en ligne, ajoute François Calame. Les participant(e)s pourront voir en temps réel la production globale de l’installation solaire, la consommation globale, leur propre consommation ainsi que la courbe d’ensoleillement.» Il faudra ainsi éviter de faire sa lessive un jour de pluie, par exemple.
Une ristourne entre 50 et 100 francs par an
À la fin de l’année, la Commune va distribuer une ristourne aux participant(e)s, qui devrait se situer entre 50 et 100 francs par année, voire plus pour celles et ceux qui ont fourni le plus d’efforts. Aujourd’hui, une dizaine de ménages se sont inscrits pour participer à ce projet. Si la demande explose, le hangar agricole qui se situe en face du premier pourra lui aussi accueillir 500 mètres carrés de panneaux solaires. «Actuellement, seuls nos citoyen(ne)s peuvent en bénéficier, mais il n’est pas impossible que nous ouvrions le projet au niveau régional, rappelle Yves Schopfer. Nous espérons être des précurseurs et que d’autres centrales similaires se construiront ailleurs.»
Autre projet à Morges
Grâce à ce projet pilote, l’ASEC cherche à démontrer que les communautés énergétiques citoyennes sont une réponse efficace et équitable face à la crise de l’énergie. L’association accompagne aussi un autre projet, lancé par un citoyen, à Morges. Elle ne souhaite pas en dévoiler davantage pour l’instant, le projet étant encore dans sa phase d’émergence.
Laurianne.barraud@lacote.ch
Photo Cédric Sandoz, La Côte
DES ANCIENS SYNDICS À LA MANŒUVRE
Le projet est né l’année dernière suite à plusieurs rencontres entre Vincent Denis, ancien syndic de Vaux-sur-Morges, et de François Calame, alors à la tête de Bougy-Villars. Tous deux ont siégé à la Commission de l’énergie de l’Association de la région Cossonay-Aubonne-Morges (ARCAM). «Nous travaillons les deux dans la réalisation de projets photovoltaïques, que ce soit pour des coopératives solaires ou pour des privés», rappelle François Calame. Vincent Denis a alors exposé son intention de poser des panneaux sur une halle agricole du village. À noter enfin que même s’ils ne siègent plus dans un exécutif, ils restent tous les deux consultants pour mener à bien le projet de Vaux-sur-Morges.
ET LE CITOYEN DANS TOUT CELA ?
Yves Schopfer, syndic de Vaux-sur-Morges, est on ne peut plus clair: «Les citoyen(ne)s ne verseront pas un seul centime». C’est la Commune qui finance ce projet. Une partie de la somme provient également de diverses subventions étatiques. «Dans ce modèle-ci, il n’y a pas d’autoinvestissement contrairement aux coopératives solaires, qui existent par exemple à Nyon et à Gland», relève François Calame, directeur du projet. Dans ces deux cas, les participants touchent un dividende en fonction de leur part investie. À Vaux-sur-Morges, ce sera leur autoconsommation qui sera déterminante pour la rétrocession à la fin de l’année et non leur participation financière au projet.