La partie suisse de l’étape Dole – Lausanne débutera à la Vallée de Joux pour se terminer au vélodrome du chef-lieu vaudois. Notre correspondant Laurent Grabet a enfourché son vélo afin de parcourir ces 73 kilomètres !

Escorté de quelques confrères internationaux curieux et émerveillés, notre correspondant Laurent Grabet a frotté ses mollets et son «palpitant» au final vaudois de la huitième étape de la «Grande Boucle», samedi prochain 9 juillet entre la Vallée de Joux et Lausanne en passant par le col du Mollendruz et Cossonay. Voici ses Impressions…

Le pignon stylisé élégamment tatoué sur son poignet gauche le laissait deviner. Ses mollets galbés et dûment épilés le confirmaient: si Merlijn Spenkelink n’est pas un enchanteur, c’est bien un cycliste qui a le vélo dans la peau. Je le comprends un peu tard en tirant la langue tout en tentant de ne pas lâcher sa roue dans la montée menant du Pont au pourtant modeste col du Mollendruz (1’180m). Le Batave est journaliste pour le site néerlandais spécialisé Cycling destinations. En ce 21 juin 2022, il se mesure à la partie suisse de la huitième étape que le 109e Tour de France empruntera samedi prochain sur 186 km entre Dole (F) et Lausanne via Cossonay.

Un Suisse au parfum

Au sein de notre petit peloton cosmopolite de journalistes, mêlant Hollandais, Suisses, Allemand et Français invités par Vaud Promotion, on échange plus ou moins adroitement en anglais. Mais une onomatopée internationale, suscitée par la beauté des paysages traversés, met tout le monde d’accord: «Waooooow!» Elle se fait entendre dès les premiers kilomètres longeant le Lac de Joux. Les 176 coureurs entreront en territoire suisse à hauteur du Brassus au kilomètre 113 et rallieront Le Pont, rive droite. Les commentateurs signaleront peut-être alors qu’un certain Edmond Audemars, champion du monde amateur en 1903 et lointain cousin du fondateur de la célèbre manufacture horlogère combière, est né à deux pas.

Cette route est vallonnée mais ne sera qu’une formalité pour les pros. D’ici, on ne voit pas le lac de Joux mais on sent sa présence et par moments on aperçoit le phare «cervinesque» de la Dent de Vaulion qui indique la direction à suivre. À ce stade, les hélicoptères de France Télévisions seront déjà entrés dans la danse et à cette seconde, les beautés de la Vallée de Joux happeront pas moins de 50 millions de téléspectateurs dans 190 pays! «Soit une puissance de frappe de promotion que nous n’aurions jamais eu les moyens de nous offrir autrement», se réjouit Aline Kellerhals, responsable communication de l’étape lausannoise.

Col de Pétra Félix

Arrivera ensuite une mise en bouche de quatrième catégorie que les organisateurs d’ASO, la société qui met sur pied le Tour de France, ont baptisée «Col de Pétra Félix». C’est là, à la croisée de la route menant au Mollendruz et de celle redescendant sur Romainmôtier via l’enchanteur Vallon du Nozon, qu’un sigle «MG» a été tagué sur la route. Renseignement pris, «MG» signifie Meilleur grimpeur. Le premier coureur à passer là pourra en effet empocher un point et espérer revêtir à l’arrivée le fameux «maillot blanc à pois rouges» distinctif.

Le faux plat menant ensuite au col du Mollendruz est l’occasion pour notre guide Alain Rumpf de délivrer son analyse sur l’étape: «Cette montée de 5 km pour même pas 200 m de dénivelé ne devrait pas permettre de faire la différence. Les grosses équipes laisseront difficilement un coureur prendre le large à cet endroit.» Elles rouleront fort pour mener leurs meilleurs coureurs à bon port, celui d’Ouchy en l’occurrence. «Et là, les costauds s’expliqueront dans la montée finale vers le stade olympique», résume Alain, ancien cadre de l’Union Cycliste Internationale, bien connu des cyclistes francophones sous le sobriquet de «A Swiss With a Pulse».

Déjà un air de fête dans les villages parcourus

En ce qui nous concerne, la descente vers Cossonay a tout d’un plaisir de fin gourmet. Ties Wijntjes apprécie tout particulièrement: «Le final suisse de cette étape est de toute beauté! On a une vue panoramique sur le Léman mais aussi sur les Alpes et le Jura. Quelle chance d’habiter ici et de pouvoir rouler sur ces routes! C’est encore plus beau qu’une étape de montagne où on est comme enfermé dans des vallées.»

Ties Wijntjes écrit pour Ride magazine et pour le site web hollandais wielerflits.nl. Malgré ses 22 ans, il en connaît un rayon question vélo! Son pronostic pour ce Dole-Lausanne? «Un final nerveux et la victoire d’un puncheur comme le Belge Wout Van Aert ou le double champion du monde français Julian Alaphilippe…»

En attendant de voir si cette intuition s’avèrera, on poursuit notre descente sur Mont-La-Ville. Dans ces pourcentages modestes et sur ces routes bien dessinées au bitume impeccable, les coureurs fileront à environ 80km/h. Suivront de longs faux plats descendants, entrecoupés de courtes côtes, que le peloton avalera presque sans effort sur sa lancée. L’Isle, Cuarnens, La Chaux défilent sous nos roues. Par endroit, des bicyclettes colorées décorent déjà les côtés de la route. Le spectacle est touchant. On sent la population locale joyeuse et fière d’accueillir les «forçats de la route» pour ce qui demeure la troisième compétition sportive la plus suivie au monde après les Jeux olympiques d’été et la Coupe du monde de football.

Portion de route refaite

La traversée de Cossonay se fait via la route de la Vallée puis on file direction Morges en passant devant le cinéma dont la façade rétro, graphique et évoquant «Cinéma Paradiso», enchante mes collègues rouleurs-journalistes. À Echandens, trois ouvriers tout d’orange vêtus, refont une portion de route en vue du Tour. Tout doit être impeccable et le sera. L’arrivée sur Lausanne se fait par le secteur des hautes Écoles. Belle occasion d’admirer les lignes du Learning Center de l’EPFL, chef d’œuvre architectural bien connu.

Arrive ensuite l’avenue de Rhodanie et les bords du lac. À cet endroit, ça «frottera» dur comme on dit dans le jargon. Les prétendants à la victoire d’étape devront se placer en tête de peloton avant d’aborder un final que Christian Prudhomme, patron d’ASO et fan de la course culte désormais disparue À Travers Lausanne, pronostique «spectaculaire et promise à un puncheur». Et pour cause, 4.8 km de montée à 4.6% de pente moyenne séparent le pied de l’avenue d’Ouchy de l’arrivée à la Pontaise.

Dans les secteurs à 10% de l’avenue de Beaulieu et à 12% de l’avenue du Mont-Blanc, les favoris ne se feront aucun cadeau. Et même à l’occasion de notre repérage, Michelle Surber ne nous en fait pas! La Zougoise n’a que trois années mais déjà 60’000 km de cyclisme derrière elle. Nous ne halèterons pas longtemps dans la roue de l’influenceuse du Team féminin Veepee Women’s Cycling. Elle nous déposera «au train» peu après Ouchy en laissant imprimé dans nos rétines fatiguées le souvenir de ses socquettes marquées d’un définitif: «I’m sexy».

Le budget de cette étape se monte à 1,5 million de francs

C’est hilares et «défoncés» aux endorphines que notre équipe se retrouve devant le stade olympique. Là, une immense banderole rappelle que Lausanne sera «ville arrivée». Ce sera la sixième fois que la capitale olympique accueille l’épreuve. Les places sont chères pour cela puisqu’il y a environ 300 communes postulantes pour 30 places. Le budget de l’étape est de 1.5 million de francs dont 600’000 sont versés par la Ville et 500’000 par le Canton. Sur cette somme, 350’000 francs sont payés à ASO mais ils sont totalement compensés par les nuitées hôtelières et autres retombées directes.

De notre côté, il nous a fallu deux heures et un calorique carac chacun pour venir à bout du parcours. Le 9 juillet, les meilleurs coureurs mettront moitié moins de temps… Et le lendemain, ils repartiront pour une étape de montagne entre Aigle et Châtel (F) via le Lavaux et les cols des Mosses, de la Croix et de Morgins…

Texte Laurent Grabet, photos Alain Rumpf et Laurent Grabet

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