Samedi prochain 9 juillet restera comme le jour où le Tour de France a traversé nos villages. Le Journal de la Région de Cossonay marque donc le coup avec ce numéro spécial ! Outre le cahier détachable « emmaillotant » cette édition avec le plan de l’étape, nous vous proposons 10 pages spéciales. La rédaction en chef de celles-ci est confiée au journaliste et correspondant de notre hebdomadaire Bernard Morel. De plus, ce dernier vous invite à lire, en page 70, le premier épisode de « Rencontre avec le vélo » une chronique sur sa passion pour la petite reine…
La rédaction
Qui se souvient, à La Chaux, Cossonay, Gollion, d’avoir vu Stefan Küng seul en tête, avec une avance de quelque deux minutes sur le peloton, se diriger vers une victoire d’étape en solitaire à Morges? Pas grand monde sans doute. C’était en 2019, il pleuvait et ce n’était «que» le Tour de Romandie. Imaginons maintenant que, dans huit jours, le meilleur rouleur suisse traverse la région détaché et remporte l’étape du Tour de France à Lausanne. Ce serait alors un exploit considérable qui marquerait à jamais la carrière du champion saint-gallois et qui resterait dans l’esprit des gens massés tout au long du parcours.
Ah le Tour de France! C’est «LA» course. Celle de tous les superlatifs, vers laquelle convergent les regards dès qu’on évoque le mot cyclisme et qui éclipse les autres épreuves du calendrier. En terme d’audience, elle est la troisième manifestation la plus populaire au monde, derrière la Coupe du monde de foot et les Jeux olympiques d’été – et peut-être des JO d’hiver en ce qui concerne la Suisse, vu notre passion pour le ski alpin.
La beauté des paysages
De la même manière que nombreux sont celles et ceux qui ne visionnent du football à la télévision qu’à l’occasion de la Coupe du monde, l’intérêt de bien des gens pour le cyclisme ne se réveille qu’au moment du Tour de France.
Ce phénomène n’est pas récent et ne tient pas seulement au pouvoir de la télévision. De nos jours certes, de nombreuses personnes disent regarder le Tour de France davantage pour la beauté des paysages que pour la course. France Télévisions, diffuseur des images, l’a bien compris en focalisant aussi ses caméras sur des lieux emblématiques, des villages classés, des monuments historiques.
Mais avant que le petit écran n’entre dans le quotidien des gens, le Tour avait déjà ce pouvoir de capter l’attention. Dans les années d’après-guerre 39-45, le monde du spectacle était directement associé au Tour sachant à quel point celui-ci attirait les foules. Lorsque la course a fait étape à Lausanne en 1952, Tino Rossi et Charles Trenet, deux des plus grandes vedettes du moment, ont chanté le soir, l’un à la place de la Riponne, l’autre à la place Pépinet.
Paroles de champions
L’immense succès du Tour de France tient pour beaucoup aux dates auxquelles il a lieu. Créé en 1903, avant le Tour d’Italie (1908) et le Tour d’Espagne (1935), il s’est installé d’emblée au début de l’été. Dès 1936 et les premiers congés payés, le public s’est déplacé en masse sur le parcours pour «voir passer le Tour». Au fil des années et de la démocratisation de l’automobile, les gens ont été toujours plus nombreux sur les bords des routes. On ne compte plus le nombre de camping cars qui viennent se placer dans les ascensions des cols. J’ai le souvenir, dans les années 80, qu’au Bourg d’Oisans, au pied de la mythique montée de l’Alpe d’Huez, les cartes des restaurants étaient en français et en néerlandais, tant les gens des Pays-Bas y venaient déjà nombreux.
Pour un coureur, gagner une étape au Tour de France marque une carrière. «J’ai remporté des succès au Tour de Romandie, Tour de Suisse, Tour de Catalogne notamment, mais le seul dont les gens me parlent encore, c’est celui du Tour de France qui date pourtant de près de 40 ans», relève Serge Demierre.
Pascal Richard s’est imposé avec le maillot de champion suisse sur les épaules à Briançon dans le Tour de France 1989. « En terme de notoriété, cette victoire compte plus que d’autres que j’ai remportées au Tour d’Italie par exemple, dit le champion olympique sur route de 1996. Cette différence tient au fait que le Tour de France a lieu pendant les vacances. En 1996, j’avais proposé à Jean-Marie Leblanc, alors directeurs du Tour de France, qu’il y ait un tournus entre les trois Tours afin que le Giro et la Vuelta puissent aussi bénéficier du phénomène des vacances.»
Pour Laurent Dufaux, le Tour de France est «davantage qu’une course cycliste». Le Vaudois y a brillé en remportant une étape et en se classant quatrième en 1996, puis de nouveau quatrième en «C’est la course majeure de ma carrière, ajoute-t-il. J’ai disputé onze Tours, j’en ai terminé sept. Quand tu en deviens un vrai acteur, il prend une autre dimension.»
On focalise tout sur le TDF
Daniel Atienza, lui, n’a pas gagné d’étape, mais a pu mesurer l’ampleur que prend une participation à cet évènement. «Lors de mon premier Tour en 2000, il y a eu une arrivée à Lausanne et le lendemain, on a traversé Moudon, la ville de mon enfance et où j’habite, explique-t-il. Quelques jours plus tard, à l’arrivée sur les Champs-Elysées, j’avais les larmes aux yeux. Cette année-là, j’avais plutôt bien marché au Tour, je m’étais glissé dans des échappées et après, les gens n’arrêtaient pas de m’en parler. L’année suivante, j’ai eu de bons résultats sur l’ensemble de la saison, sauf au Tour où j’avais eu beaucoup de peine. Là on m’a fait remarquer que ma saison n’avait pas été bonne. Comme quoi, le public se focalise surtout sur le Tour de France.» Daniel Atienza relève aussi qu’il a vraiment pris conscience de la dimension du Tour de France depuis qu’il est consultant pour la RTS.
Fermetures de routes
Il est vrai que le monde qui gravite autour de l’épreuve, la place que celle-ci prend dans l’espace public n’est comparable à aucune autre course cycliste. En France, les routes du parcours sont bouclées dès le matin, quand ce n’est pas la veille ou même l’avant-veille dans le cas de l’ascension des cols. En Suisse, ce ne sera pas tout à fait aussi strict, mais les mesures déployées seront sans commune mesure avec le Tour de Romandie par exemple. Samedi prochain, les routes seront hermétiquement fermées deux heures avant le passage de la caravane publicitaire et quatre heures avant le passage des coureurs. Autant dire que les forces de sécurité engagées – gendarmerie, protection civile – seront très importantes. Quant à la Vallée de Joux, en raison du passage de la course par Le Sentier, Le Lieu, Le Pont, elle sera complètement «bouclée» dès la fin de la matinée. Les Combiers seront condamnés à regarder le Tour de France…
Comme contrainte, il y a pire!
Bernard Morel