(Re)découvrez les trésors artistiques. Au-jourd’hui: Judith et Holopherne, par Le Caravage.
La légende biblique de Judith décapitant Holopherne est un thème à la mode durant la Renaissance. Les plus grands peintres de l’époque (Botticelli, Giorgione, Michel-Ange, Cranach) illustrent à leur manière l’acte héroïque de cette jeune veuve juive sauvant son peuple en tuant le général assyrien qui le menace. Toutefois, dans la pudeur maniériste de leur temps, leurs représentations éludent systématiquement le geste assassin de Judith. Lorsque Le Caravage s’attaque à cette légende en 1599, sur commande du banquier génois Ottavio Costa, il est déjà l’un des peintres les plus populaires de Rome. Son interprétation de la légende montrera à plusieurs niveaux sa volonté d’aller à l’encontre des règles et conventions de l’époque. Tout d’abord par sa perception unique de la lumière, ce fameux clair-obscur qui rendra le peintre si célèbre.
Mais surtout par son art de fixer l’instant précis: Judith assassine Holopherne dans son sommeil, le sang gicle sur l’oreiller et le drap. À la manière d’un photographe, Le Caravage nous rapproche de l’action. On peut lire les expressions des protagonistes sur leur visage: une forme de détermination mêlée de dégout chez Judith, la terreur dans le regard d’Holopherne, et une anticipation macabre chez la vieille servante, dont le visage flétri n’est pas sans rappeler les caricatures de Leonard de Vinci.
Des études radiographiques de la toile ont montré que Judith avait tout d’abord été peinte seins nus, et que sa chemise avait été ajoutée postérieurement. Ce n’est probablement pas dû à un excès de pudeur de la part du Caravage, car les tétons étaient courants à l’époque.
Ayant des liens avec la contre-réforme, il s’agit sans doute d’un geste plutôt politique de sa part. Le message de lutte pour la vraie religion est plus important que d’offrir un bref moment de voyeurisme.
Pour terminer, il est intéressant de noter que ce n’est qu’en 1951 que cette toile, faisant partie de la collection Vincenzo Coppi à Rome, fut attribuée au Caravage, notamment grâce aux recherches sur l’artiste entreprises par Pico Cellini.
Au cours de sa carrière, Le Caravage n’avait semble-t-il pas pour habitude de signer ses toiles. Ainsi, une seule porte son paraphe.
Stéphane Raynaud