À la fin des années 1970, alors qu’il était encore un enfant puis un ado tourmenté, Vincent Pérez a vécu dans la région de Cossonay. C’est là, que la future star de cinéma, a commencé à identifier et canaliser la créativité qui bouillonnait en lui. Il nous en parle avec franchise et sensibilité.

Antonioni, Lelouch, Rappeneau, Polanski… Il a tourné avec les plus grands et a donné la réplique à de grands noms du cinéma dont Catherine Deneuve, Isabelle Adjani ou Sophie Marceau. À 57 ans, Vincent Pérez demeure une star mais reste simple et abordable. Peu savent que de 1973 à 1979, de ses 9 ans à ses 15 ans, l’acteur et réalisateur suisse a habité à Penthaz, dans la maison que son père, alors actif dans l’import-export et sa mère au foyer, s’étaient fait construire un peu à l’écart du village.

Il joue au FC Penthaz

«Avec le recul, je comprends que j’ai vécu dans cette belle région une période de formation intense de qui j’allais devenir», nous confie l’acteur. Pour lui, l’arrivée à Penthaz fut pourtant douloureuse. «On venait de Cheseaux-sur-Lausanne où j’avais mes copains, mes repères et les souvenirs tout frais d’une enfance enchantée. À cet âge, un déménagement est souvent un traumatisme…»

Le jeune Vincent s’intègre néanmoins par le football, une passion dans laquelle il excellait comme ailier droit. «J’ai joué à Penthaz, puis à Penthalaz avant qu’un recruteur ne m’aiguille vers Saint-Prex. Mais là, les entraînements quasi quotidiens ont fini par m’épuiser et me lasser. Il faut croire que j’avais davantage une âme d’artiste que de sportif…»

Ennui et vague à l’âme

Notre région évoque à Vincent Pérez la marche et la solitude. Il marchait alors beaucoup pour se rendre à la gare de Cossonay et filer direction Morges en train les jours d’école, pour aller jouer au foot mais aussi juste pour flâner, rêver, tenter sans le savoir d’accueillir une créativité qui bouillonnait en lui. «Je traversais des forêts et des champs. Je m’arrêtais au bord de la Venoge. Un vague à l’âme m’habitait. Je me sentais seul et comme loin de moi et je me perdais dans des mondes imaginaires. Je passais beaucoup de temps à dessiner. J’emportais des personnages vus au cinéma avec moi. C’était une période particulière. Je ne savais pas quoi faire de ma vie. Je passais beaucoup de temps à dévorer des BD dans ma chambre ou à voir des films du Cinéma de minuit ou des Dossiers de l’écran.» Le pré-ado qu’il était est alors «profondément impacté» par James Dean qu’il découvre dans «À l’est d’Eden» ou par le Marlon Brando de «Sur les quais».

En comparaison, sa vie quotidienne lui semble un peu fade même s’il a un frère, une sœur et une poignée d’amis avec qui il n’a pas gardé contact aujourd’hui. La semaine, il embarque direction Renens puis Morges où il étudie chez les jésuites à l’école de la Longeraie. Le week-end, son père s’échine sans succès à lui faire partager sa passion du jardinage. «Il était déçu de voir que cela ne m’intéressait pas du tout, ça finissait en engueulade et il me renvoyait dans ma chambre, ce qui était précisément ce que j’espérais», se souvient en souriant le quinquagénaire. Les souvenirs remontent un à un de manière en apparence anarchique. «J’ai l’impression de parler à mon psychanalyste», lâche d’ailleurs en riant Vincent Pérez. L’acteur se rappelle de cette station-service où il achetait des disques et où un jour, sur le chemin de la piscine, il avait appris la mort de Claude François. Il s’amuse de constater que les archives de la Cinémathèque suisse ont pris leurs quartiers à deux pas du stade de Penthaz où, au-delà de la victoire ou de la défaite, «le plaisir de jouer» l’avait si souvent guidé. «Quel clin d’œil!»

Ceux qui ont compté reviennent aussi à la surface. Un certain Monsieur Courvoisier tout d’abord. «C’était un prêtre qui était aussi mon prof. Le matin, il arrivait sur une grosse moto avec des grandes bottes et une barbe qui lui donnait de faux airs de Victor Hugo. Il avait le nez cassé et quand on était trop bruyants en classe, il nous balançait ses craies à la figure! Mais au-delà de ça, c’est lui qui m’a encouragé dans ma créativité».

À l’école de la Longeraie, Vincent avait en effet été invité par ce professeur à monter de A à Z un spectacle de fin d’année. Le résultat, quoi qu’un peu provocateur, avait tant époustouflé le pédagogue qu’il avait lâché à l’endroit de son élève d’habitude si peu attentif: «La voie artistique, c’est peut-être une solution pour toi!»

«Paradoxalement, j’étais à l’époque à la fois un clown qui aimait faire rire ses camarades et un garçon timide et introverti pas très à l’aise avec les filles», se souvient l’intéressé.

La mémoire de Pierre Gisling

Vincent Perez évoque ensuite la mémoire de son «mentor» Pierre Gisling. «Cet homme a changé ma vie. Je l’ai connu à l’époque où j’habitais Penthaz. Pierre organisait des camps de dessin chaque été pour les jeunes qui étaient filmés pour la télévision. Je les ai suivis plusieurs années de suite. J’avais connu Pierre à l’âge de 10 ans en remportant un concours de dessin au Comptoir suisse. On est restés proches jusqu’à sa mort en 2017, même si un problème d’avion m’a hélas empêché de l’honorer à son enterrement comme prévu.»

C’est indirectement grâce à Pierre Gisling que le jeune Vincent se lance dans un apprentissage de photographe à Vevey puis qu’un jour, âgé d’à peine 17 ans, il file à Paris pour tenter de devenir acteur. «C’était à la fois courageux et fou de me lancer à la poursuite de mes rêves de cinéma! Mais déjà quand j’habitais encore Penthaz, je me souviens que je regardais avec envie passer les voitures aux plaques françaises. Quelque chose m’appelait là-bas…»

Interview réalisée par Laurent Grabe

SON FESTIVAL L’A FAIT REVENIR À COSSONAY

C’est grâce aux Rencontres du 7e art qu’il a contribué à lancer à Lausanne en 2018 que Vincent Pérez a renoué avec notre région. «Dans le cadre du festival, je suis par exemple allé manger chez Carlo Crisci à Cossonay et je me suis rendu aux archives de la Cinémathèque à Penthaz», explique l’acteur suisse.

Sa manifestation a reçu des stars telles que Matt Dillon, Barry Levinson, Paul Auster, Jean Dujardin, Christopher Walken, Agnès Jaoui ou encore Léa Seydoux. La cinquième édition se tiendra du 12 au 20 mars prochain autour du thème «Miroir, miroir» mais le programme et les invités ne seront dévoilés qu’en février. «Cet évènement, sans compétition, invite à partager en profondeur sur le 7e art dans un cadre et une douceur de vivre très suisse propices à l’intimité. Cette fois, nous nous pencherons sur le cinéma dans ses excès, ses quêtes, son narcissisme, sa candeur mais aussi ses noirceurs. On veut revenir à la base de ce qu’est le cinéma et de comment il est fabriqué. En cette période où les salles sont désertées et les plateformes de streaming sont reines, cela nous a semblé salutaire», résume le comédien. Pour mémoire, l’édition 2021, qui devait, entre autres, accueillir Isabella Rossellini et Pierce Brosnan, avait dû être organisée en ligne à cause de la crise sanitaire.

www.rencontres7art.ch

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