le tatouage s’est progressivement féminisé

Qui n’est pas tatoué aujourd’hui? C’est une question légitime à se poser, en effet beaucoup plus de monde que ce que l’on s’imagine est tatoué. Des dessins, il y en a pour tous les goûts, qu’ils soient petits ou grands, discrets ou voyants, épais ou fins… «Peu importe le sexe, les motifs «basiques» que l’on retrouve dans nos albums sont autant prisés par les hommes que par les femmes. Pour les projets personnels, on s’adapte à la demande du client», affirme Javier Rodriguez, tatoueur depuis 2014 et patron de Xaf-Ink Tattoo Shop, à Cossonay (qu’il a ouvert en août 2020).

Pour promouvoir la diversité des styles de dessins, il invite régulièrement tatoueurs et tatoueuses dans son shop. C’est le cas de Caitlin Johansen qui est présente jusqu’en février prochain.

Un peu d’histoire

Chez les peuples ancestraux, le tatouage faisait partie des coutumes et signifiait la protection, souvent réservé aux chefs de tribu ou aux rois. Son nom vient du polynésien «tatau» (ornement). Au fil des siècles, il a évolué pour arriver au mot qu’on connaît. Puis, il a eu d’autres fonctions, comme marquer les esclaves, les gladiateurs ou les criminels, afin de distinguer les catégories de personnes. Disparu, puis revenu en force dans le 18e siècle, grâce aux marins; chaque dessin ancré dans leur peau racontait une histoire vécue ou une rencontre mémorable.

Evolution constante

Ensuite, aux 19e et 20e siècles, l’art du dessin permanent était vu comme quelque chose de marginal qu’on retrouvait sur les prisonniers et les prostituées. D’ailleurs, en Angleterre, les personnes tatouées étaient considérées comme des bêtes noires. Elles étaient exposées lors des Freaks Show (ndlr: exposition d’êtres humains à l’aspect physique non commun).

Plus près de nous, la pratique s’est démocratisée (dans les années 1970) avec les générations des punks et des bikers. «Il y a 20 ans, j’ai fait mon premier tatouage. Mon père ne m’avait pas prise au sérieux et m’avait posé plein de questions. Probablement parce que je suis une femme et qu’à l’époque c’était plutôt quelque chose de masculin. On n’osait pas se faire tatouer autant que maintenant et on devait les cacher», raconte Sonia de la boutique Chauss’moi à Cossonay et cliente de Xaf-Ink Tattoo.

De nos jours, on trouve de plus en plus de femmes dans le milieu du tatouage. «Les stéréotypes liés au sexe sont dépassés. Sincèrement, je pense qu’on s’approche d’une égalité homme-femme tant chez les professionnels que chez les clients», expose Caitlin Johansen. Et d’ajouter: «C’est ouvert à toutes et tous. Pour vous dire, l’autre jour j’ai même tatoué mon père!», rigole-t-elle.

Une autre tatoueuse de la région, Sarah Vuffray, s’est lancée en solo dans le milieu depuis août 2020 en ouvrant un cabinet privé à Moiry. Elle exerce sa passion qui est devenue son métier. «J’ai sauté le pas pour ne pas regretter plus tard! Je ne voulais pas passer à côté de cette expérience», explique-t-elle.

Cette jeune femme de 22 ans raffole du dessin depuis longtemps. «À 16 ans, j’ai dit à ma mère que je voulais devenir tatoueuse. Elle m’a dit d’accord, mais fais un CFC avant.»

Après son apprentissage d’employée de commerce, elle a ouvert son salon, baptisé Les ombres de Sarah. Consciente du risque financier, elle travaille encore dans un bureau à côté. «Je suis à 50% employée de commerce et à 50% tatoueuse indépendante. Je diminue peu à peu mon pourcentage, le temps de me faire connaître.»

Sarah Vuffray n’a pas froid aux yeux, elle a dû construire son business de A à Z. «Je suis ma propre patronne et je dois faire tourner mon entreprise. D’ailleurs, mon CFC m’aide bien pour gérer ces aspects techniques», ajoute-t-elle. Spécialiste dans les traits fin et les empreintes d’animaux, elle accueille hommes et femmes pour se faire tatouer. «J’aime le calme et prendre le temps avec mes clients. Je trouve idéal de pouvoir consacrer le dernier étage de la maison pour le tatouage.»

Pas de CFC de tatoueur

En Suisse, il n’existe pas de CFC pour apprendre ce métier artistique. Les personnes qui adorent dessiner se lancent au talent. «En revanche, on doit suivre une formation d’hygiène du même que pour les métiers touchant au bloc opératoire», explique Javier Rodriguez. «Ensuite, on s’exerce dans son coin sur de fausses peaux synthétiques et une fois prêt on se lance! C’est sûr qu’au début, ce n’est pas facile. Être bien entouré est utile pour apprendre des techniques, mais aussi pour ne rien lâcher», confie Caitlin.

Existe-t-il des différences entre hommes et femmes en matière de tatouage? De manière unanime, nos trois professionnels répondent: «Non, le genre ne joue aucun rôle. On doit faire attention au type de peau de la personne, à ses grains de beauté, à ses cicatrices…» Concernant la douleur, Sarah Vuffray ajoute que cela dépend de l’état physique et émotionnel de la personne. «Chaque personne accueille la douleur différemment.»

De nature timide, Sarah Vuffray a déjà reçu des remarques sur ses tatouages. «Quand les beaux jours arrivent et que je suis en shorts, j’ai déjà reçu des remarques sur les deux grosses pièces qu’on voit sur mes cuisses. Comme je suis d’un naturel discret, les gens ont de la peine à s’imaginer que je sois «autant» tatouée…»

Les clichés liés au genre semblent être révolus, mais d’autres ont l’air de perdurer. En gros, on n’est pas surpris de voir un homme ou une femme tatoué(e) si cette personne est extravertie. Il est plus difficile d’imaginer une personne timide et réservée avec des tatouages.

Une chose est sûre: l’accès à cette pratique est plus facile qu’à l’époque. Il est même fréquent de nos jours, que des personnes se fassent tatouer à l’étranger lors de vacances en guise de souvenir.

Adeline Hostettler

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