« L’écriture constitue un moyen de voyager »
En l’an 2028, le monde occidental est ébranlé par des crises sans précédent: les extrémistes et nationalistes sévissent en maîtres et partout on recense des fuyards, des migrants, des attentats, des meurtres et des trahisons. Les organisations humanitaires sont débordées et constatent l’inanité de leurs efforts. C’est la dérive, le naufrage, la panique. Dans ces trois derniers mots, «La Dérive» constitue le titre du premier roman d’Arnaud Gander. «J’ai commencé à l’écrire fin 2019, après avoir suivi des cours d’histoire politique durant lesquels on analysait les montées des extrémismes sur notre continent. J’ai alors imaginé traiter un roman dans une Europe de 2028 en pleine déliquescence.» Ce livre à suspense évoque le parcours des personnages que l’écrivain plonge dans un contexte sociétal difficile. Il met en évidence des problématiques puissantes allant de l’écologie à la migration en passant, entre autres, par l’aide humanitaire, la misère, les abus, les traumatismes psychiques, les réalités imaginaires ou l’avenir politique.
Le Kerala et les Iles Canaries jouent un rôle important dans le roman, ainsi que dans la trajectoire d’Arnaud. «Le Kerala est synonyme du premier endroit où j’ai voyagé hors de l’Europe en tant qu’adulte. Nous nous y étions rendus en fin de Gymnase, sous la conduite de Claude Aubert, professeur de français. Cette région m’avait marquée par divers aspects jamais rencontrés jusqu’ici.»
Auteur dans l’action
Les Canaries constituent le lieu où l’écrivain a vécu six mois lors d’un échange universitaire et où il s’est plongé à fond dans l’écriture pour en ressortir, en quatre semaines, une trame d’une centaine de pages. Puis, est venue une seconde étape «d’étouffage du squelette», de peaufinage, de relecture et de corrections avant l’édition. Claude Aubert a suivi de près le travail de l’écrivain: «Ses commentaires ont été encourageants de manière globale, mais aussi très pointus sur les modifications à apporter pour éviter les coquilles, clichés, répétitions et permettre à l’intrigue d’avancer», explique Arnaud qui se décrit comme un auteur «dans l’action et sans plan préconçu». Il lance des scènes et des «héros» qui gagnent en autonomie au fil des pages. Une partie de son roman est assez biographique et un de ses personnages vit une enfance avec des traits ressemblant à la sienne. «Par l’imaginaire, j’essaie d’explorer ce qui aurait pu être mon existence ou ce que j’aurais pu faire. L’aide humanitaire en constitue un exemple non réalisé. Donc l’écriture constitue un moyen de voyager.»
Un agenda « surbooké »
Arnaud Gander a grandi tout d’abord à Lausanne en compagnie de son papa et de sa grand-mère, puis à Villars-sous-Yens au moment où son père s’est remarié. «À 15 ans, je suis allé vivre une année chez ma mère, une période difficile et forte en émotions. Je suis ensuite retourné chez mon père. De son enfance, il évoque son frère et son entourage qui ont été très présents et attentifs dans une situation familiale alors compliquée. Ado, il rêve de devenir guitariste et chanteur. Puis, il fréquente le Gymnase où il a vécu des années enrichissantes. Il se destine enfin à l’enseignement afin de «pouvoir transmettre et redonner ce qu’on m’a apporté durant mes études.» Prof de sport, d’histoire et de français, son agenda est «surbooké» car il a envie de tout faire à la fois: écriture, ski, vélo, escalade en falaises, sans oublier de passer du temps avec sa copine. Il se décrit comme «un touche à tout voulant aller trop vite en besogne, position qui m’agace.» Il s’estime persévérant, surtout pour les projets lui tenant à cœur! Dans le futur, il se voit bien continuer à enseigner et compter plusieurs livres à son actif. Le deuxième est d’ailleurs plus qu’engagé, mais top secret, on n’en saura pas plus!
« Génial à observer ! »
Quand je demande à Claude Aubert – chez qui l’interview s’est déroulée – de comparer «Arnaud le gymnasien et Arnaud l’écrivain», il parle de «l’évolution d’une pousse qui a grandi. Maintenant, on constate une curiosité, une production, un gars se laissant emporter par ses personnages et un bouillonnement canalisé. C’est le passage de l’adolescent à l’adulte avec l’écriture qui constitue un sillon dans lequel plongent ses intérêts. Et c’est génial à observer!»
Claude-Alain Monnard
Le roman «La Dérive» d’Arnaud Gander est édité chez Libre2Lire
PROFIL EXPRESS
Des livres et des auteurs
«L’Oeuvre au noir» de Marguerite Yourcenar, «En attendant Godot» de Samuel Beckett, «L’Insoutenable légèreté de l’être» de Milan Kundera, «La Horde du Contrevent» d’Alain Damasio
Des héros de fiction
Dans l’univers de l’écrivain Pierre Bottero, une héroïne fait beaucoup d’escalade, ce qui me plaît Une devise
Ose!
Une ambiance sympa
Une soirée avec des amis à discuter et à boire un ou deux verres
Des lieux inoubliables
Les falaises, la mer, les Canaries
Des odeurs
La cardamone, le jasmin
Et la réincarnation
En un oiseau ou en dauphin
Une citation
«Il existe deux réalités; la plus importante est celle que l’on imagine»
La page blanche, c’est…
À remettre à demain