À Cossonay, la nouvelle législature a-t-elle débuté avec «une déclaration de guerre de la Commission des finances à la Municipalité», selon les termes employés par le conseiller communal Pierre-Alain Philipona (Ensemble Pour l’Ouverture)? Cette expression est-elle exagérée ou correspond-elle à ce qui s’est réellement passé lundi dernier, lors de la deuxième séance du Conseil élu pour la période 2021-2026?
Le taux passe de 69,5% à 68%
Etablissons les faits. Lors de la discussion sur la l’arrêté d’imposition pour 2022, la Commission des finances a proposé de baisser le taux d’un point et demi (et de le faire passer de 69,5% à 68%). Rapporteur de la Commission, Joachim Cretegny (CossEntente) a expliqué les raisons de ce choix en se basant sur le travail de la fiduciaire BDO qui conclut que la santé de la Commune est bonne: «l’analyse prospective pour les années 2021 à 2025 montre que la marge nette d’autofinancement resterait positive sur toute la période considérée avec un taux compris entre 62 et 67,5%.» De surcroît, selon la Commission des finances, la Commune bénéficiera de nouvelles rentrées financières avec l’arrivée de nouveaux habitants et une baisse d’impôts est un signal attractif envers cette population. Enfin, la Commission s’inquiète du fait que les amortissements supplémentaires effectués depuis 2017 grâce aux bons résultats des comptes mettent à défaut le principe d’équité intergénérationnelle. En gros, la société d’aujourd’hui ne doit pas payer pour la société de demain. Il existe des directives cantonales dans ce sens pour faire en sorte que les communes vaudoises pratiquent des «amortissements linéaires» afin d’éviter qu’une génération paie trop d’impôts.
Excédent fiscal théorique
Afin d’illustrer ce dernier point, la Commission des finances a calculé «l’excédent fiscal annuel théorique» sur les années 2017 à 2020. Pour ce faire, elle a soustrait le coefficient fiscal d’équilibre au coefficient fiscal effectif payé par les contribuables. Puis, elle a multiplié le point d’impôt par le résultat de cette soustraction pour chacune des quatre dernières années. Résultat: elle parvient à un total des excédents fiscaux théoriques de 5,9 millions de francs.
De son côté, la Municipalité, à l’unanimité, a proposé au Conseil de ne pas voter cette baisse d’impôts (qui est, il est vrai, assez minime dans le portemonnaie à la fin de l’année). «C’est surtout une perte de marge de manœuvre», a déclaré la syndique Valérie Induni. Par conséquent, par mesure de prudence et «pour avoir un peu d’oxygène avant de présenter le plan de législature» comme l’a signalé sa collègue Florence Texier Claessens, le collège municipal proposait de conserver le taux actuel de 69,5%: «C’est un signal plus politique que technique que nous voudrions donner», a ajouté la syndique.
Par 30 OUI contre 16 NON
Ces arguments ont été balayés par le Conseil au moment du vote. Dans la salle du théâtre, les positions étaient claires: la Gauche (à savoir le groupe Ensemble pour l’Ouverture) a voté NON en bloc (16 voix) et CossEntente et le PLR a voté OUI en bloc (30 voix). On dénombrait deux abstentions.
Ainsi, le groupe majoritaire au Conseil communal (CossEntente) n’a pas suivi la Municipalité où il est pourtant… majoritaire. Est-ce donc une «déclaration de guerre»? La formule, à nos yeux, semble exagérée; toutefois à la lumière de la décision que le Conseil a prise juste après, l’assemblée délibérante semble avoir fait preuve d’un esprit contradictoire… En effet, elle a été unanime pour soutenir le postulat «Pour un urbanisme durable et préventif» présenté par Steve Corminboeuf (CossEntente) et cosigné par Yannick Maury (Ensemble Pour l’Ouverture) et Thomas Sigrist (CossEntente). Constatant les limites du système de drainage et d’évacuation des eaux de pluie du bourg ainsi que la forte urbanisation qu’a connue Cossonay, M. Corminboeuf s’inquiète de cette situation dans le contexte du dérèglement climatique. «C’est pourquoi, nous demandons à la Municipalité de prendre des mesures pour mieux réglementer l’imperméabilisation des sols qui provoque le ruissellement de l’eau, amplifie le phénomène d’ilot de chaleur urbain et appauvrit la biodiversité.»
Contradictoire ?
Donc, si l’on caricature, en quelques minutes, le Conseil a voté une réduction de la marge de manœuvre de la Municipalité… puis lui a demandé juste après de prendre des mesures (qui auront forcément un coût) sur un plan urbanistique! Mais tout cela, ce sont les aléas traditionnels de la politique…
Pascal Pellegrino