« Par le design, je redonne une identité à quelqu’un !»
«La vie, ce n’est pas attendre que les orages passent; c’est apprendre comment danser sous la pluie». Telle est la phrase qu’on peut lire en grand sur une porte de son atelier de designer et qui n’est pas mise là par hasard! En effet, à 17 ans, André Marty perd d’un coup brutalement sa maman et son papa: six orphelins se retrouvent sans repères suite à ce séisme foudroyant. Un peu plus tard, son frère aîné décide de «rejoindre» ses parents. «À un moment donné, je me suis trouvé face à un gouffre: soit je prenais l’option choisie par mon frère, soit je vivais de ce que je savais et aimais faire le mieux, à savoir le dessin et la peinture», explique Dédé Marty qui évoque à de nombreuses reprises sa maman durant la conversation. «Elle m’a transmis son don du dessin et m’a aussi appris à cuisiner et à danser!»
Dès l’âge de 10 ans, il dessine sans cesse à l’école et à la ferme remplie d’animaux, entourée d’un verger et d’un grand jardin. «Nous avions une paire de skis pour huit enfants et une luge à six places! J’adorais aussi l’odeur du foin ou passer du temps sous l’abri du tracteur entendre la pluie tomber. Autant cette enfance a été heureuse, autant les quatre années qui ont suivi ont été sombres. » La peinture devient alors un exutoire pour mon interlocuteur.
Un an après la mort de ses parents, il expose une quinzaine de ses tableaux. Quasiment toutes ses oeuvres sont vendues, mais ce succès plonge Dédé dans le doute: «Les gens ont-ils fait ces achats parce que mes tableaux sont bons ou à cause de mon statut d’orphelin du village qui vit des galères?» Il décide alors d’aller voir ailleurs afin de sortir de ce marasme.
Une visite de Madonna
Dès 1980, il se consacre à la peinture et réalise des fresques et d’autres travaux chez des clients. Puis, un copain lui demande de customiser sa moto et son casque: le résultat positif va en appeler d’autres et, de fil en aiguille, les demandes affluent. À un certain moment, son entreprise compte quatorze employés. Aujourd’hui, avec le Covid, André se fait du souci et les plans imaginés s’avèrent flous et s’inscrivent en filigrane.
Aux murs de son atelier, à côté des nombreux casques suspendus, on peut voir des photos de célébrités sportives et même celle de Madonna, «qui s’était pointée en personne dans mes locaux afin que je lui peigne une bombe d’équitation.»
« Ce qui me plaît ? Le rêve »
Il décrit son job comme une activité tendant à redonner une image ou une identité à quelqu’un qui est en train de la perdre. «Un sportif avec un casque blanc, sur la tête, tu ne le reconnais plus.» Travailler avec des athlètes a été déterminant dans son succès, mais si des stars sont venues chez lui, c’est que beaucoup de «petits» lui avaient fait confiance. «Dans mon métier, ce qui me plaît, c’est le rêve. Quand un balèze s’effondre d’émotion à la vue du résultat de ton boulot, ça me touche particulièrement!»
Association Porte-Bonheur
«Du fait que nous avions perdu nos parents et notre frangin, au village, les gens nous évitaient par peur. Qu’avions-nous fait pour être punis de la sorte? pensaient-ils. Constater que des volets se fermaient à notre passage le soir de Noël, ça m’a fait mal. Bref, nous étions des porte-malheur!»
Alors, quand André crée une association visant à apporter du rêve à des orphelins, il prend le contrepied de ce qu’il avait vécu et la baptise «Porte-bonheur.»
Fondée en 1990 grâce à des amis et en particulier suite aux encouragements répétés du skieur Steve Locher, l’association a grandi. Trente ans plus tard, elle a pu offrir du bonheur à 1200 gamins.
2020 s’annonce comme une année de transition car Dédé va petit à petit laisser sa place à la présidence de l’association. Sans ce drame qui l’a poussé à se dépasser, Porte-Bon Bonheur n’aurait jamais vu le jour, ni peut-être son parcours professionnel à succès.
En se retournant en arrière, il se décrit comme un indépendant heureux et constate qu’à 60 ans, il a passé la première moitié de sa vie «à apprendre, à grandir, à souffrir et, durant la deuxième, j’ai offert ce qui m’a guéri. Cette douleur, j’ai grandi avec, je l’ai domptée par ma résilience et des actions positives, mais elle est encore là et ne me quittera pas!»
Claude-Alain Monnard