Vendredi 13
L’activité d’une institution de formation musicale trouve son élan dans le juste équilibre entre ses cours hebdomadaires et ses productions publiques. À l’École de Musique de Cossonay (EMC), près de 500 élèves reçoivent l’enseignement de 35 professeurs diplômés, en cours individuels et collectifs. Chaque année, on peut assister à plus de 40 auditions de classe, dix concerts d’Ateliers, quatre grands concerts organisés par l’Association des Amis de l’EMC, sans compter les Masterclass et autres événements auxquels l’école participe en tant qu’invitée. Enfin, les examens qui jalonnent le parcours instrumental selon le cursus vaudois d’études non-professionnelles FEM offrent l’opportunité à plus d’une centaine d’élèves par année de recevoir les commentaires éclairés d’experts extérieurs.
Cette mécanique de précision est perpétuellement en mouvement, évoluant au gré des propositions de nos professeurs, des personnalités de nos élèves, des rencontres et des envies, mais toujours dans le souci d’offrir des idées inspirantes dans un cadre pédagogique structuré (dont les lectrices et lecteurs découvriront le détail aux pages suivantes de ce cahier spécial EMC). L’édifice semble donc solide, car la machine bien huilée est portée par une équipe de confiance. Mais… vendredi 13 mars 2020, la fermeture complète des écoles est annoncée par le Conseil d’État vaudois.
L’enseignement à distance… nous a rapprochés !
Le 16 mars dernier, l’École de Musique de Cossonay ferme donc ses portes et doit proposer un enseignement à distance.
Comment réagir? Quelles solutions apporter alors que la diversité des problématiques est très complexe, autant en terme de ressources logistiques que d’organisation familiale, et pour les élèves comme pour les professeurs?
Eh bien, aux grands maux les grands remèdes! En quelques jours, l’école est complètement réorganisée, grâce à la compréhension et la motivation de tous.
Preuve d’un engagement sans faille, des moyens aussi divers qu’ingénieux sont mis en oeuvre par les professeurs pour garder le contact avec leurs élèves et continuer de les faire progresser durant ce temps suspendu.
En voici une liste non exhaustive: certains ont privilégié les cours en visioconférence, alors que d’autres ont commenté des pièces enregistrées par les élèves, on a créé des tutoriels ludiques, inventé des chansons à partager en famille, monté des projets de classe ambitieux à poursuivre après la crise… La dégradation des cours individuels a donc été globalement faible. Par contre, certains cours de groupe n’ont pas pu être valablement donnés, et d’autres complètement annulés.
Au vu des conditions laissant présager le pire, le bilan global de ces deux mois est clairement positif. Que tous ces partenaires de formation soient ici chaleureusement félicités et remerciés pour leur enthousiasme et leur créativité durant cette période si particulière!
Une reprise joyeuse
Néanmoins, rien ne remplace à long terme le contact direct, la vibration des instruments dans un même studio, les regards et toute l’expression qu’une caméra et un micro ne sauraient retranscrire. Malgré la bonne volonté de part et d’autre, et même s’il est évident que certaines techniques éprouvées durant le confinement vont enrichir les ressources pédagogiques à l’avenir, le temps commençait à devenir long.
Heureusement, les cours individuels ont pu reprendre en présentiel lundi dernier 25 mai. Certains groupe doivent subir quelques aménagements pour respecter la règle des cinq personnes maximum et l’intégralité des cours recommenceront immédiatement si les autorités fédérales assouplissent les mesures sanitaires. Toute l’équipe de l’EMC peut donc envisager la fin de l’année scolaire sereinement, en se réjouissant d’accueillir de nouvelles têtes en 2020-2021!
On joue. Ensemble.
Ces quelques semaines à distance mettent en lumière de manière éclatante combien un enseignement constructif repose sur une relation de confiance entre élèves, professeurs et parents. C’est un partenariat à long terme, qui ne peut se réduire à une simple consommation de services.
En effet, contrairement à certaines idées reçues, les cours de musique ne sont pas seulement un loisir ou une occupation, même si l’on y prend beaucoup de plaisir. Il s’agit d’un projet.
Or, si celui-ci représente un important investissement, il est aussi porteur d’une valeur plus importante encore, allant de pair avec une vision durable de la société de demain.
En effet, l’objectif principal d’une école de musique n’est pas de produire une majorité de futurs musiciens professionnels, mais bien de favoriser, grâce à un parcours musical fait de divers compagnonnages, un accès à un monde plus subtil, plus goûtu, plus exigeant, plus intéressant, plus à l’écoute de l’autre, qui dépasse d’ailleurs de loin les frontières de l’art.
La discipline acquise par la pratique régulière d’un instrument, tout comme la curiosité développée en contact avec diverses formes de culture, contribuent à constituer pour la vie entière une ressource personnelle d’énergie équilibrante et inépuisable, dont les retombées indirectes ne sont pas mesurables à l’aune d’indicateurs de croissance tels que le PIB.
Oui, la valeur de cet enseignement est grande, car ici, grâce à cette matière merveilleuse qu’est la Musique, on cultive, on fait pousser de la confiance, de l’enthousiasme, de la créativité, de la joie. On apprend l’autonomie, la maîtrise de soi, l’expression et l’introspection. On s’accorde. On joue ensemble.
On joue. Ensemble.
Guy-François Leuenberger
La retraite de François Margot
La saison AAEMC 2019-2020 aurait dû se terminer de manière festive le 3 mai dernier, avec le concert carte blanche à François Margot. Cet événement, qui sera reprogrammé dès que possible, devait marquer le départ à la retraite de ce musicien et professeur de piano exceptionnel, qui quittera l’EMC après… 43 ans de maison!
Cher François, je t’adresse ici toute ma reconnaissance pour l’immense travail accompli, officiellement au nom du Conseil de Fondation de l’EMC, mais aussi personnellement en tant qu’ancien élève, qui garde un souvenir lumineux de tes cours et mesure la qualité de l’héritage transmis à des générations de musiciens.