Avec un milliard elle s’achète la justice
Un lundi soir, sur la scène du Théâtre du Pré aux Moines: la troupe des Tréteaux de Cossonay s’apprête à répéter la pièce de Dürrenmatt, La Visite de la Vieille Dame, spectacle qui sera donné à six reprises à Cossonay, Daillens et Épalinges entre le 29 décembre et le 22 février.
L’ambiance est détendue, chacun vaque à ses occupations, relit quelques- unes de ses répliques ou enfile le costume choisi. On se donne des conseils sur divers aspects du spectacle. L’éclairagiste prend des notes en vue des représentations, la décoratrice procède à des essais sur le plateau. Dans l’attente du metteur en scène occupé sur un autre spectacle, les actrices et acteurs décident de procéder tout d’abord à une «italienne», soit à un drill du texte, sans jeu. De son côté, l’orchestre répète ses partitions et se consulte sur ses interventions futures dans la pièce.
Plus tard, Jonathan Diggelmann, le metteur en scène, rassemble la troupe, donne quelques consignes et précise ses objectifs. «Bravo pour ces costumes qui créent une unité. Quant au jeu, soyez dans l’échange, pensez espace, insérez-vous dans vos personnages! »
Première le 29 décembre
La pièce s’ouvre sur un tableau qui fait part de la misère extrême dans laquelle le village de Güllen est tombé. Les seuls et ultimes plaisirs dévolus aux habitants sont de regarder passer les trains, de survivre grâce aux allocations chômage et à la soupe populaire, de végéter, d’observer l’huissier venir saisir l’Hôtel de Ville. Pourtant, un jour, l’espoir renaît: une vieille dame, qui a fait fortune en épousant un homme richissime, revient dans son Güllen natal. Elle offre un milliard contre la vie d’un ancien petit ami qui l’avait mise enceinte avant de la quitter, un amant qu’elle a aimé et dont elle veut se venger. «Avec ce milliard, je m’achète la justice qui ne m’a pas été rendue à l’époque!», argumente-telle. Alors, comme le miroitement de l’or et des dollars aveugle et corrompt «les plus belles âmes», que vont faire les Gülléniens et Madame la Maire?
Est-il possible d’accepter ce deal tout en pouvant continuer à se regarder en face dans le miroir? De quelles compromissions sommes-nous capables collectivement, juste pour de l’argent? Après tout, un mort pour sauver une communauté entière, pourquoi pas finalement? Telles sont quelques idées directrices traitées avec humour dans cette Visite de la Vieille Dame, la pièce de Dürrenmatt la plus jouée. Les réponses à ces questions interviendront dès le 29 décembre, lors de la première de la pièce au Théâtre du Pré-aux-Moines.
Une Vieille Dame revisitée
Durant la répétition, Jonathan Diggelmann, jeune metteur en scène talentueux, a l’oeil à tout. Il fait reprendre systématiquement les passages qui ne l’ont pas convaincu, il corrige des statures et positions, parfois il modifie ce qu’il avait imaginé primitivement, il laisse une certaine marge de manoeuvre aux actrices et acteurs, il encourage et positive, il vit le spectacle et le spectateur sent rapidement la complicité le liant à la troupe. Cette dernière est d’ailleurs accompagnée par un orchestre assurant les ambiances musicales propres aux diverses scènes.
À noter aussi que les Tréteaux de Cossonay ont opté pour une version revisitée: «Le défi a été de transformer la trame dramaturgique initiale en une comédie humaine intemporelle. La pièce, allégée et adaptée par le metteur en scène, se veut ainsi pleine de vie et d’humour.» À voir donc dès le 29 décembre, ça en vaut le coup!
Claude-Alain Monnard
Infos pratiques
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Réservations au 077 466 55 95 ou par mail à: reservations@lestreteauxdecossonay.ch