Le deuxième épisode de notre série sur la Venoge débutée la semaine passée, se fait aux abords du château de L’Isle et de son bassin qui inscrit majestueusement la rivière dans l’ensemble architectural conçu par Jules Hardouin-Mansart, l’architecte de Louis XIV. L’occasion de s’intéresser à la dimension historique de la Venoge et aux travaux d’aménagement qu’elle a connus.

La Venoge naît à L’Isle. C’est aussi dans cette localité que se situe l’un des endroits emblématiques de la rivière. Une fois sortie de terre, la Venoge s’engage dans son parcours et décrit un large virage dans la direction nord-est pour accéder au bassin du château quelque 200 mètres plus loin. Ce splendide aménagement architectural du classicisme français est l’oeuvre de l’architecte de Louis XIV, Jules Hardouin-Mansart, mandaté par le seigneur de L’Isle, Charles de Chandieu, un ancien lieutenant général qui servit dans les armées du Roi-Soleil. Remplaçant l’ancien château féodal, situé plus proche de la rivière, le nouveau projet devait donner une place importante à la Venoge. Isabelle Roland, historienne du bâtiment qui a travaillé sur le château de L’Isle, note que la proximité de la Venoge offrait la possibilité à l’architecte de Versailles d’intégrer l’eau dans l’aménagement extérieur, élément typique des jardins de style français. Cependant, si le château est  achevé en 1698, il faut attendre 1711 pour voir la Venoge s’écouler dans le large bassin que l’on connait aujourd’hui. Cette utilisation artistique de la rivière en orchestrant le cours d’eau à des fins esthétiques fera même s’écrier Jacques-Étienne Bovard, auteur du célèbre ouvrage La Venoge, à l’attention de Mansart: «Savez-vous que vous êtes le seul qui ait jamais aménagé le cours de cette rivière sans l’enlaidir?»

Rationalisation de rivière

Il est vrai que, si la canalisation du bassin à L’Isle est l’une des premières initiatives visant à contrôler le cours de la Venoge, celui-ci a été par la suite modifié sur de larges tronçons. Les principaux travaux de rationalisation du cours d’eau sont réalisés au tournant du XXème siècle. C’est le cas des six kilomètres de tronçon entièrement corrigé par étapes entre La Sarraz et Cossonay de 1905 à 1917. Ce vaste projet d’endiguement est conduit par l’ingénieur Louis Deluz à la tête de L’entreprise d’endiguement et de correction de la Venoge entre La Sarraz et Cossonay. Il répond à des impératifs fonciers tout autant que sécuritaire. L’optimisation des surfaces agricoles et habitables ainsi que la maîtrise des risques liés aux crues font partie des préoccupations de l’époque et poussent l’État à intervenir.

Sujette à des crues

On retrouve à L’Isle, en amont du bassin du château, un système d’endiguement de la Venoge dans une zone qui, avant la canalisation dans la première décennie du XXe siècle, était sujette à de nombreuses crues. Une photo d’archive montre l’ampleur de l’inondation qu’a vécue la commune en janvier 1900. François Reymondin, responsable des visites publiques du château de L’Isle, confirme que c’est, aujourd’hui encore, une zone marécageuse et facilement inondée.

Au long de son histoire, la Venoge a ainsi connu plusieurs modifications allant dans le sens, tantôt de l’esthétique, tantôt de la rationalisation de l’espace. L’idéologie moderne qui met la technologie au service de la maîtrise de l’environnement a longtemps dominé la façon que nous avons eu de considérer la Venoge. Aujourd’hui, elle perd toutefois peu à peu du terrain. Les termes du rapport s’inversent et l’importance de la préservation des milieux naturels de la rivière a investi l’arène politique. Les projets de renaturation dont cette série sur la Venoge parlera bientôt en sont la manifestation concrète.

Au fait, pourquoi l’appelle-t-on la Venoge ?

Quand est apparu ce nom de rivière, la Venoge? Et depuis quand? Le rapport que les hommes entretiennent depuis toujours à la rivière dépasse celui de la maîtrise de ses données naturelles et l’optimisation des terres utilisables le long de son cours. L’étymologie, l’étude de l’origine des mots, révèle ainsi la manière qu’ont eu nos ancêtres de s’approprier la géographie environnante. Les noms attribués aux cours d’eaux, souvent d’origine celtique ou romane, reflètent un état d’esprit pour le moins pragmatique: la sombre, la rapide, le petit ruisseau, le flot, etc. Dans le cas de la Venoge, que l’on retrouve écrite au Moyen Âge Venubia, Venopia, ou encore Venogy, son sens reste en partie caché. On suppose que son radical -Ven évoque l’idée de clan. D’origine gauloise, elle aurait été ainsi nommée à partir du premier millénaire avant J.- C.

Reportage de Jonathan Muller

Pour en savoir plus, consultez le dossier «L’origine des noms de rivières» rédigé par le linguiste Jacques Albin dans la revue Passé Simple, février 2017, n°22

 

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