C’est l’histoire triste d’un artisan-boulanger qui ferme boutique. Hélas, cette faillite du pâtissier-confiseur et boulanger Yvan Ruchet à Cossonay n’est pas un cas unique:
«Depuis cinq ou six ans, il meurt une boulangerie-pâtisserie par semaine en Suisse, commente Stéphane Mercuri, président de la Société des artisans boulangers-pâtissiers-confiseurs vaudois. Dans le canton de Vaud, il y a 30 ans, on dénombrait 300 boulangeries indépendantes. On est quasiment la moitié moins en 2019…»
Jeudi 28 mars, à la rue des Chavannes 2, des panneaux colorés ont été placés sur la devanture du commerce «Chez Yvan». De loin, on imaginait qu’il s’agissait d’une promotion d’avant Pâques. Mais, en s’approchant, on lisait: «Fermeture définitive au 30 mars». D’où une stupéfaction bien compréhensible de la clientèle. «Je n’ai pas voulu que les choses s’éternisent: cette faillite est un évènement suffisamment pénible pour qu’on ne rallonge pas le temps entre l’annonce de la fermeture et le baisser de rideau», déclare Yvan Ruchet.
Le patron a sans doute bien fait, car durant les trois derniers jours, durant lesquels le stock des marchandises était écoulé avec 70% de
rabais, les clients fidèles ont été nombreux à exprimer leur surprise et leur désolation de voir disparaître ce commerce réputé pour la qualité de ses produits. Avec logiquement une question principale: «Pourquoi?»
Accumulation de facteurs
Difficile de répondre à cette question dans un article comme celui-ci. En effet, il y a une accumulation de facteurs qui ont abouti à ce résultat et que l’on ne peut pas aborder dans le détail. Tout d’abord, Yvan Ruchet ne minimise pas sa propre responsabilité dans cette déconvenue. De surcroît, il y a un important contentieux d’ordre financier entre lui et le gérant du tea-room attenant.
«Et puis la commune de Cossonay a aussi sa part de responsabilité, soutient-il. On y a développé à fond le logement, mais pas l’artisanat. Or de nos jours, les gens ne consomment pas là où ils habitent. Du coup, cette arrivée de nouveaux habitants ne profite pas aux petits commerçants. Ajoutez à cela la concurrence générée par les plus de 130’000 tonnes de produits de boulangerie industriels entrant annuellement en Suisse et vous comprendrez que les petits artisans subissent une concurrence telle qu’ils sont obligés parfois de travailler à perte.»
Autre souci: la situation du bâtiment, sans place de parc, à côté d’un giratoire assez fréquenté et accessible par un passage piétons. Tout cela a sans doute éloigné une clientèle qui, de nos jours, exige tout «à portée de voiture».
«Bien sûr que je suis déçu»
Yvan Ruchet évoque aussi le système des faillites dans le canton. «À mes yeux, ce système, plutôt que de me permettre de traverser cette mauvaise passe et de m’aider à sauver mon commerce, a accéléré ma chute.»
Samedi 30 mars, le rideau s’est donc baissé sur la vitrine de la boulangerie-pâtisserie Chez Yvan. «Je crois que je ne me rends pas encore compte, il y a quelque chose de surnaturel dans cette situation, dit le patron. Bien, sûr, je suis déçu, mais le sentiment qui domine est
celui de l’impuissance. Je suis pris dans une spirale dont j’espère me sortir le plus rapidement possible. Actuellement, je n’ai aucune idée de ce qui va arriver.»
À quelques jours de célébrer ses 43 ans (le 29 avril prochain), espérons pour Yvan Ruchet et les siens que parmi ses cadeaux d’anniversaire il y ait un premier «bout du tunnel» à entrevoir…
Pascal Pellegrino