La nature a parfois besoin d’un petit coup de pouce. Les bénévoles de la Société vaudoise de pêche en rivière (SVPR) en sont convaincus. Année après année, ils oeuvrent au repeuplement piscicole des rivières du canton. Samedi 9 mars, c’était au tour de la section du Veyron de la SVPR de participer à cette vaste opération.
Une dizaine de bénévoles se sont retrouvés autour du petit ruisseau pépinière situé environ 300 mètres après la sortie de la Chaux. «Chaque printemps, nous mettons un millier d’alevins de truites dans ce ruisseau, raconte Benjamin Hoffer, membre de la SVPR section Veyron. Une année plus tard, nous récoltons des truitelles, qui atteignent alors une taille de 8 à 12 centimètres, lors d’une pêche électrique. Nous les remettons ensuite à l’eau dans le Veyron. » Simple en théorie, ce transfert de poissons demande un savoir faire important. Les truitelles sont étourdies puis attirées au moyen d’une pelle diffusant un courant électrique. Elles remontent ainsi à la surface et sont récupérées dans une épuisette. Les bénévoles peuvent alors les remettre dans le Veyron, situé une centaine de mètres plus loin.
Poissons pas nourris
Cette délicate opération s’est parfaitement déroulée samedi. Sur les mille alevins mis à l’eau au printemps 2018, 92 ont survécu et ont pu être transférés. Ce taux de moins de 10% peut paraître faible mais il est dans la norme, la survie moyenne des alevins étant de 7 à 20% au bout d’une année. «Nous ne nourrissons pas les poissons dans le ruisseau pépinière, explique Laurent Ischy, président de la section SVPR Veyron . Nous laissons faire la nature. Les truitelles que nous relâchons ont appris à se débrouiller seules sans l’aide de l’homme. Elles ont ainsi un comportement beaucoup plus sauvage. Leur taux de survie à long terme est meilleur que si nous les avions nourries.»
Guy-Charles Monney, président cantonal de la SVPR ainsi que Dominique Rime, coresponsable de la commission technique de repeuplement étaient présents samedi. «Une convention lie la SVPR et le canton depuis 2014, souligne Dominique Rime. Sur les 4000 km de cours d’eau que compte le canton, 900 km sont régulièrement repeuplés en truite par les sections de la SVPR. Cette opération peut se faire grâce aux subsides cantonaux qui paient les alevins. Les bénévoles des sections accomplissent aussi un travail très important. Sans eux le repeuplement ne serait pas possible; le Canton ne pourrait pas payer des centaines de personnes pour réaliser cette tâche.»
Des poissons toujours moins nombreux
Les sections de la SVPR ont beau oeuvrer inlassablement, les poissons sont de moins en moins nombreux dans les rivières. La diminution du nombre de truites est même si importante que cette espèce risque d’être bientôt considérée comme en voie de disparition dans le canton. Le réchauffement climatique est l’un des principaux facteurs. Les sécheresses de plus en plus fréquentes ont des conséquences importantes sur les cours d’eau et leur population. Le haut Veyron ainsi que ses affluents sont souvent asséchés sur la majeure partie de leur tracé. «Le pompage des communes dans les nappes phréatiques n’arrange rien, déplore Laurent Ischy. La solution pour préserver les rivières serait de pomper directement dans le lac Léman mais cela coûterait beaucoup plus cher.»
D’autres facteurs expliquent le dépeuplement des rivières: «Le nombre des pollutions est très élevé dans le canton, relève Dominique Rime. On en dénombre bientôt une par jour. Sans compter les petites pollutions: le bidon de peinture déversé dans une grille finira dans l’eau, avec un impact sur la faune.» Ce tableau est complété par les dégâts provoqués par les pesticides, les fongicides et les micropolluants, qui rendent stériles les poissons.
Sans oublier la récente arrivée d’oiseaux piscivores, venus du Nord, comme le cormoran ainsi que le harle bièvre.
Cette multitude de facteurs ne décourage pas les bénévoles de la SVPR. Année après année, ils procèdent au repeuplement piscicole, à l’échelle de leur section, en espérant que la situation s’améliore un jour…
Laurence Künzi
